La rancune… Qu’est-ce qui m’arrive ? Je n’arrête pas de penser à cette remarque que m’a faite ma sœur à Noël. Elle se moquait de ma résolution de me mettre enfin au sport. Elle a presque réussi à doucher mon enthousiasme direct…

C’est sûr, ce n’est pas elle qui va me donner l’exemple, elle est aussi sportive qu’une limace ! Au Noël précédent elle m’avait coupé la parole au moment où je parlais de ma promotion, alors que j’étais tellement contente… Franchement, est-ce qu’elle pourrait arrêter de me lancer des piques ou de me savonner la planche quand j’ai une bonne nouvelle à annoncer ?

Je devais l’appeler cette semaine, eh bien non tant pis pour elle. Je ne suis pas prête de décrocher mon téléphone pour lui parler.

Et là, ça me chicotte. Mais pourquoi je lui en veux encore aujourd’hui ? Alors que je suis adulte, heureuse en amour, j’ai des enfants que j’adore et un boulot qui m’épanouit. Je me sens bien dans ma vie alors comment se fait-il que je n’arrive pas à dépasser tout ça ?

Comment gérer la rancune

Notre quotidien est jalonné de rancunes

Mon frère aussi, je le retiens. Il n’a pas arrêté de coller ses enfants à ma mère pendant le confinement pour qu’elle les aide à faire leurs devoirs. Si bien que mon mari et moi, nous avons été obligés de nous débrouiller tout seuls. De toute façon, il a toujours été le chouchou de maman, elle lui passe tout !

Un exemple de rancune

D’ailleurs, parlons-en, de ma mère ! Comme à chaque fois que je la vois avec ses petits-enfants, je réalise tout ce qu’elle n’a pas fait avec nous lorsque nous étions enfants. Se mettre à quatre pattes pour jouer ou cuisiner avec nous. Faire l’effort de se mettre à notre niveau pour partager des moments de joies simples ou ludiques.

Elle ne s’intéresse qu’aux plus grands, ceux avec lesquels elle peut avoir des conversations « élevées ». Ça me rappelle quand j’étais petite et qu’elle bouquinait pendant des heures au lieu de faire un puzzle ou un gâteau avec nous.

Pourtant, on était bien plus importants que ses maudits bouquins !  J’aurais tellement aimé avoir une maman moins intellectuelle, plus manuelle et plus joueuse !

Et pas seulement eux ! Ma belle mère qui s’est moqué de moi notre 1ère année de mariage quand je faisais les confitures. Et il y a aussi mes collègues qui me contredisent en réunion, mon patron qui ne m’a pas donné la promotion que je convoitais. Ou encore mon amie qui ne m’a pas choisie comme témoin à son mariage. Et puis aussi mon mari, qui a oublié l’anniversaire de notre rencontre.

Qu’est-ce que je peux faire pour arrêter de ressasser tous ces souvenirs – lointains ou plus récents – qui m’empoisonnent la vie. Ils ternissent mes relations avec ma mère, mon frère ou encore ma soeur ?

La rancune c’est quoi ?

Tout ceci a un nom très simple : la rancune. Et elle peut être coriace ! Voici comment la définit le petit Robert : souvenir tenace que l’on garde d’une offense, d’un préjudice, avec de l’hostilité et un désir de vengeance. D’autres mots comme l’aigreur, la rancœur, ou le ressentiment, lui sont très proches.

Mais pourquoi et comment se met en place la rancune ? Comment matérialisons-nous cette hostilité et ce désir de vengeance ? Et nous font-ils du bien ?

Origine de la rancune

La rancune commence dès la petite enfance. On en veut au nouveau bébé qui a l’idée saugrenue de s’imposer dans notre famille alors qu’on était tellement bien tout seul avec papa et maman ! On garde une dent contre le copain qui n’a pas voulu prêter son jouet ou contre cette fille qui nous a balancé une méchanceté dans la cour de récré.

J’ai une dent contre toi

Mais d’ailleurs, quelle est l’origine de cette expression, avoir une dent contre quelqu’un ?

Qu’est-ce que notre dentition vient faire dans cette histoire ? Selon les spécialistes, elle découlerait d’une citation du Moyen-Âge. A cette époque, on disait  » avoir les dents sur quelqu’un ». Pourquoi les dents ? Parce qu’elles sont le moyen d’exprimer une certaine agressivité avec la morsure.

Au XVIIème siècle Molière a utilisé cette expression dans Le Bourgeois Gentilhomme sous une autre forme : “avoir une dent de lait contre quelqu’un”. Il évoquait de cette manière une rancune qui persisterait depuis l’enfance.

Comme c’est intéressant ! Cette expression “avoir une dent contre quelqu’un” nous dit donc que la rancune est liée à une blessure, et que cette blessure peut, dans certains cas, remonter à l’enfance.

C’est d’ailleurs ce que constate le psychiatre Christophe André dans son livre Les États d’âme, un apprentissage de la sérénité. “La plupart du temps, colère et ressentiment sont des tentatives – médiocrement efficaces – pour réguler nos autres états d’âme douloureux. Le ressentiment est ainsi une manière de ruminer sa colère et son malheur comme un long reproche au monde et aux humains qui nous entourent”, explique-t’il.

Pourquoi la rancune est si obsédante

Malheureusement, la rancune est généralement obsédante. Le psychiatre Serge Hefez utilise la métaphore de l’armoire pour la décrire. On met notre rancune dans une armoire dont on remplit les tiroirs au fur et à mesure. Et on se repasse l’histoire en boucle, on rumine et on macère. #83 J’arrête de ruminer

Selon Christophe André, certains traits de caractère prédisposent à la rancune. Elle est par exemple souvent fréquente chez les timides, qui disent difficilement ce qui les dérange et les meurtrit, et donc ils ont tendance à ressasser. Elle concerne aussi les personnes qui manquent de confiance et ont une image d’elles-mêmes pas très positives.

Que cache la rancune ?

Quant aux évènements ou émotions qui peuvent la provoquer, ils sont nombreux. Cela peut être une frustration, une entrave ou une atteinte à mon intérêt personnel, comme dans l’exemple du copain qui ne prête pas ses jouets.

Je peux aussi avoir de la rancune contre une personne qui m’a contredite en public par exemple. Elle surgit fréquemment dans les relations de couple. La rancune peut également venir d’une blessure de l’estime de soi ou d’une perception de rejet social : on m’a critiqué, on a dit du mal de moi, on m’a oublié… C’est ce que constate Christophe André. Pour lui, dans tous les cas, les choses ne se sont pas passées comme on l’attendait et on ne l’accepte pas. #117 pour aller faire un détour sur nos blessures

Une autre notion de rancune

Tiens, tiens, voilà une nouvelle notion qui accompagne la rancune : la non-acceptation. On n’accepte pas ce qui est et on rend les autres responsables de la situation. Mais est-ce qu’au moins ça nous fait du bien ?

Comment enlever la rancune ?

Aristote disait : “La colère et le chagrin nous font beaucoup plus de mal que les choses mêmes dont nous nous plaignons et qui les font naître ». Pour la rancune c’est pareil, voire même pire, nous dit Christophe André.

Pourquoi ? Pour deux raisons : d’abord le ressentiment est plus durable que la colère. En plus, la personne qui ressent de la rancune ne le perçoit pas forcément comme problématique. Mais c’est une erreur parce que si nos ressentiments sont constants, notre entourage peut finir par les fuir. Et donc nous fuir, nous !

Les effets du ressentiment

Christophe André nous alerte par ailleurs sur les effets que le ressentiment provoque sur nous. On a tendance à se noyer dans les détails (“il m’a fait ci”, “elle m’a dit ça”…) et à nous rétracter sur nous-même et sur notre point de vue.  #55 je suis acteur de ma vie

La rancune est un poison pour soi-même

Il nous explique aussi que le ressentiment nous amène, non pas à punir l’autre (la personne objet de notre rancune) mais nous-même. C’est donc contre-productif !

Le psychologue américain Steven Hayes a résumé cette idée avec l’image d’un hameçon sur lequel deux asticots sont embrochés : nous et la personne qui nous a offensée. Tant que nous sommes sous l’emprise du ressentiment et que nous ressassons nos idées de vengeance, nous nous maintenons sur cet hameçon, explique Christophe André. “Il y a dans le ressentiment quelque chose qui est de l’ordre d’une fausse piste”, dit le psychiatre. C’est d’autant plus vrai que le ressentiment surajoute une souffrance supplémentaire à la blessure initiale. #33 je sors des rapports de force

Comment soigner sa rancune

 

 
 

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Comment soigner la rancune ?

Alors, maintenant que nous savons que la rancune nous fait du mal, que pouvons-nous faire pour nous en libérer ? Christophe André nous donne quelques clés.

Quand la rancune ne passe pas, faites appel à la bienveillance

D’abord : entraînez-vous à la bienveillance. Christophe André nous invite à nous astreindre à une discipline de l’empathie, voire de la compassion, en cherchant toujours à comprendre le point de vue des autres. Et à garder en tête le bon côté des choses et des gens. #28 j’apprends à écouter

Si j’y réfléchis, c’est vrai que ma sœur fait parfois des remarques déplacées ou blessantes, mais est-ce que c’est par méchanceté ? En fait, je crois qu’elle n’est pas très diplomate et qu’elle aime bien taquiner les gens, parfois de manière maladroite. Mais dans le fond, je sais qu’elle a bon cœur.

Et ma mère : c’est vrai qu’elle n’est pas joueuse ni manuelle et qu’elle n’est pas à l’aise avec les tout-petits. Mais j’apprécie la proximité et les longues conversations qu’elle cultive avec les plus grands et avec nous, adultes. Son côté très intellectuel m’a ouverte à beaucoup de richesses dans ma vie et je sais bien qu’elle nous aime tous.

Il y a juste des choses qu’elle n’est tout simplement pas capable de donner parce que ce n’est pas dans sa nature.

Comment faire pour pardonner ?

Christophe André nous livre une autre clé : apprendre à exprimer ce qui ne va pas, avec calme. Mais en faisant attention de ne pas me monter la tête avec mes proches. Pourquoi ? Parce que souvent, lorsqu’on a du ressentiment, on est tenté d’aller raconter notre version des faits à un proche.

Mais comme notre proche nous aime, il va souvent la valider, ce qui peut nous calmer, mais cela va aussi entraîner la consolidation de notre rancune. En gros, ça nous réconforte mais ça ne nous aide pas à être lucide.

Enfin, le psychiatre nous parle du pardon, qui est un processus d’apaisement psychologique. Il va nous permettre de nous libérer de notre ressentiment. “Pardonner, ce n’est ni oublier ni effacer ; c’est renoncer, selon les cas, à punir ou à haïr, et même parfois, à juger”, nous dit le philosophe André Comte-Sponville. Si je reviens à nos asticots sur leur hameçon, c’est accepter que l’autre sorte de l’hameçon pour qu’ensuite vous puissiez vous en extraire ! #15 je pardonne

Comment effacer la rancune?

  • Si j’ai été offensée par une autre personne, j’identifie ma blessure. Comment je me sens : triste, en colère, trahie, oubliée, déçue, humiliée…. ? Est-ce que cela ravive une ancienne blessure ou fragilité ?
  • J’arrête de m’accrocher à ce qui aurait dû se passer et j’accepte la situation telle qu’elle est.
  • J’essaye de prendre du recul en me basant le plus possible sur les faits. Je tente de me mettre à la place de la personne qui m’a offensée en prenant en compte le contexte. Au lieu de ne penser qu’aux défauts de cette personne, je me rappelle aussi ses qualités.
  • Surtout, j’évite de bouder ! J’exprime plutôt clairement et calmement le problème avec cette personne. Je peux aussi lui écrire si j’ai du mal à m’exprimer oralement avec elle. En l’amenant à prendre conscience de ce qui s’est passé, je nous donne les meilleures chances de retisser le lien.
  • Si c’est possible, j’essaye de lui pardonner, pour mon bénéfice. Cela va m’alléger et me permettre d’avancer dans ma vie ! Et je me souviens que pardonner, ce n’est pas oublier !
  • Si je me sens submergée par la rancune, qu’elle me gâche la vie ou qu’elle m’empêche d’avancer, je me fais aider par un professionnel qui m’aidera à me libérer.

Se libérer de la rancune

En me libérant de ma rancune, je comprends donc que je vais améliorer ma relation aux autres en faisant preuve de plus de lucidité et de bienveillance. Je me ferai aussi du bien à moi-même puisque j’arrêterai d’ajouter une souffrance à ma blessure en restant prisonnière du passé. Je cesserai enfin de me ronger de l’intérieur.

En tournant la page, je préserverai aussi ma santé. Car la rancune accumulée augmente le risque de souffrir de certains troubles comme l’anxiété, les problèmes de sommeil ou même la dépression et les maladies cardiovasculaires. Alors, ça vaut le coup, non ?

Allez hop, je me lance

En résumé

  • La rancune est un souvenir tenace que l’on garde
  • Avec la rancune on pense infliger un poison à l’autre mais c’est soi-même qu’on empoisonne
  • En me libérant de ma rancune, je vais améliorer ma relation aux autres comme à moi-même

A vous de jouer chers auditeurs, tirez une carte de 2 minutes ensemble et demandez-vous de quelle rancune vous avez envie de vous débarrasser ! Cessez de bouder, prenez du recul et pardonnez ! Vous vous sentirez léger comme une bulle de bonheur ! C’est garanti !

La petite mousse : une citation de l’écrivain canado-haïtien Dany Laferrière. « Ce n’est pas parce qu’on a souffert qu’on a raison. Ou qu’on doit faire souffrir les autres. Il ne faut pas placer la douleur au cœur de la rédemption ».

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