L’hypersensibilité, un atout ?.. Mon fils de 5 ans fait une colère à l’école parce qu’il est frustré de ne pas réussir à empiler ses legos. Et la maitresse commence à me parler d’hypersensibilité. Je suis blessée par une remarque de mon amie qui m’a fait de la peine et j’entends « Oh, on ne peut rien te dire, tu es trop sensible ». Mon conjoint trouve ça lourd quand je m’inquiète pour un collègue qui vit de gros problèmes familiaux. Il me dit sans cesse « mais enfin ce n’est pas ton problème, prends de la distance ».

Et là ça me chicotte, l’hypersensibilité semble être devenue le nouveau mot clef qui explique le moindre jaillissement émotionnel. En vrai, qu’est-ce que l’hypersensibilité ? Comment mieux vivre avec ? Est-ce un atout ?

Quels sont les symptômes de l’hypersensibilité ?

Elaine Aron est une psychologue américaine reconnue pour ses travaux sur l’hypersensibilité. Plus précisément sur les « Highly Sensitive People » comme elle les appelle dès le début des années 90. D’après ses études, entre 15 et 20% de la population serait hypersensible. Pour essayer d’en donner une définition, nous citons un psychanalyste français Saverio Tomasella auteur de Hypersensibles, trop sensibles pour être heureux ? qui nous dit que « L’hypersensibilité est une acuité perceptive accrue qui fait ressentir les émotions de manière plus forte. Quelque part, ces personnes ont gardé un cerveau d’enfant. N’importe quel stimulus, n’importe quelle information les touche ». Pourrait-elle être un atout ?

Comment se traduit l’hypersensibilité ?

L’hypersensibilité se manifeste sous plusieurs formes :

L’hypersensibilité sensorielle

Une hypersensibilité sensorielle : une réaction très forte à des stimuli de nos sens comme le toucher, l’ouïe, la vue ou l’odorat. Je vois bien par exemple combien mon fils ne supporte pas les pulls de laine pourtant tricotés avec amour par sa grand-mère. « Ça gratte » me dit-il. Il n’est pas capable d’en garder un sur le dos plus de quelques minutes et refuse catégoriquement de le ré-enfiler. Au risque d’attraper une pneumonie ou de collaborer d’une quelconque façon tant qu’il l’a encore sur le dos. Un jour, j’ai essayé de le forcer prétextant qu’en plein hiver canadien, la laine chaude est bien commode. Cela l’a mis dans un tel état de détresse que j’ai compris que ses sensations étaient totalement décuplées par rapports aux miennes.

Signaux émotionnels forts

  • Egalement par des signaux émotionnels forts.
  • Une forme d’hyperréactivité à certains stimuli : rappelez-vous mon amie qui trouve que je sur-réagis à sa remarque. Une sur-réaction qui arrive également dans certaines situations plus chargées en émotions comme une fête de Noël ou d’anniversaire par exemple. Cela donne l’impression qu’il y a une déconnexion entre la source de l’émotion, son intensité, sa fréquence ou encore sa durée. Et surtout qu’il existe un écart de ressenti par rapport au reste du groupe. Comme si l’hypersensible captait des choses qui ne touchent personne autour de lui.
  • Une overdose d’émotions dont les hypersensibles peuvent souffrir dans certaines situations. Ça fait trop à supporter d’un coup.
  • Un penchant à amplifier les ressentis. Un hypersensible pourra se dire bouleversé par quelque chose qui vous touche juste un peu.
  • Une tendance à la fragilité dans des situations plus difficiles, voire des moments de panique

Comment réagit un hypersensible ?

Nous pouvons aussi observer certaines manifestations comportementales communes aux hypersensibles :

  • Une profonde empathie qui se manifeste par une grande fidélité en amitié et peut tourner à la dépendance affective si elle est hors de contrôle. Cette empathie pousse aussi souvent les hypersensibles à absorber les émotions des autres comme une éponge et à s’en imprégner.
  • Un certain degré d’impulsivité.
  • Plus de difficultés à traverser des changements. Ou dans certaines situations pour faire face à l’inconnu, pour aller à la rencontre des autres, s’affirmer.
  • Une hyper vigilance à tous les stimuli sensoriels et une profonde sensibilité au présent, au temps qui passe et ses conséquences : une tendance à faire des insomnies et à la fatigue chronique.

L’hypersensible et son environnement

Voilà un portrait qui penche plutôt du côté obscur de la force. Cependant l’hypersensibilité a aussi de grandes richesses et peut être un formidable atout. Les hypersensibles sont plus attentifs au monde qui les entoure et à sa beauté. Ils sont souvent aussi plus créatifs. Le grand psychiatre suisse Carl Gustav Jung en parle ainsi : «  « c’est un caractère enrichissant, qu’on ne peut pas considérer en lui-même comme pathologique, ou alors il faudrait faire de même avec presque un quart de l’humanité ».

Vous constatez sûrement chers auditeurs combien l’hypersensibilité est complexe et ne peut se réduire à des crises de perte de contrôle de ses ressentis.

Les personnes hypersensibles sont souvent accusées à tort de manque de maturité affective. Cependant, comme vous l’avez sûrement compris, il n’en est rien. En résumé, une personne hypersensible a accès à plus d’informations que la moyenne de la population. L’hypersensibilité, quel atout !

 

Les repères

La personne hypersensible manque de repères dans le désordre que tous ces stimuli génèrent autour d’elle. Imaginez que vous êtes bombardé(e) en permanence d’informations, de visions, d’odeurs, de sons et d’impressions que votre cerveau n’arrive pas à gérer. Il y a de quoi devenir un peu chèvre, non ? Leur ressort est donc naturellement de se laisser guider par les émotions qui ne vont pas manquer de surgir. Les émotions prennent le pas sur la raison.

Par exemple, lors d’un événement de networking, une personne hypersensible pourrait percevoir l’apparente indifférence des membres d’un groupe comme une preuve de son propre manque d’intérêt. La croyance qu’elle n’est pas à sa place va s’installer et l’émotion négative va peut-être la pousser à quitter la soirée prématurément. Le défi des personnes hypersensibles est de gérer le flux émotionnel très intense qu’elles traversent, de l’ordonner pour lui donner du sens et de le transformer en atout.

Quelle est la cause de l’hypersensibilité ?

Elle a de multiples sources :

L’hérédité

Elle peut être héréditaire, une caractéristique que vos parents vous ont transmise. Les recherches sur l’épigénétique montrent que le vécu des parents se transmet aux enfants par d’autres biais que le patrimoine génétique. L’hypersensibilité peut vous avoir été transmise in utero ou lors de vos premières années de vie. Si ce sujet vous intéresse vous pouvez réécouter notre épisode #73 J’influence ma génétique.

Troubles de l’attachement

Elle est souvent liée à des troubles de l’attachement dans la petite enfance. Les personnes hypersensibles partagent souvent la croyance qu’ils doivent plaire à leurs parents pour mériter leur affection. Ils ont pris l’habitude de s’oublier devant les attentes des autres et ont développé une certaine peur de l’abandon. Celle-ci les pousse à accepter des injustices. Ils ont développé des capacités d’alertes décuplées pour pouvoir faire face au danger que représentent l’abandon et la solitude. Vous pouvez faire un détour par notre épisode #153 Je suis sécure affectivement sur l’attachement.

L’environnement

L’environnement dans lequel nous avons évolué ou évoluons encore joue un rôle aussi. Il contribue à créer des croyances plus ou moins négatives. Ces croyances alimentent nos réflexes et nous privent de notre capacité à accueillir librement nos ressentis pour les interroger et comprendre ce qu’il y a derrière. Par exemple, si vous avez trop rarement entendu de compliments et reçu d’encouragements. Dans le cas où vous rencontrez un échec, vous risquez de sauter la conclusion que vous n’êtes bon à rien. Cette croyance ferme la porte à une analyse plus fine de la situation afin de comprendre ce qui n’a pas marché et de prendre peut-être des actions pour y remédier. Nous vous en avons parlé dans notre épisode #29 Je dépasse mes croyances.

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Comment guérir de l’hypersensibilité pour en faire un atout ?

Un des défis majeurs dans la gestion de l’hypersensibilité est la relation aux autres et la communication. Il est possible de transformer cette hypersensibilité en atout. Une des méthodes pour améliorer sa communication avec les autres est l’analyse transactionnelle. Cette approche a été créée à la fin des années 50 par un psychiatre canadien, Eric Berne. C’est une forme de psychiatrie sociale parce qu’elle se propose d’étudier le psychisme des personnes en observant leurs relations aux autres. Les transactions ici font référence à tous les moments où nous entrons en relation avec les autres et n’ont rien de monétaire ou commercial.

Les atouts de l’analyse transactionnelle pour un hypersensible

L’analyse transactionnelle considère que nous pouvons adopter 3 postures lorsque nous entrons en relation avec un interlocuteur :

  1. L’enfant : il est souvent guidé par ses émotions. C’est l’état le plus créatif, le plus intuitif.
  2. Le parent : Il est responsable, respecte les règles et les autres. Il est souvent animé par des réflexes critiques, moralisateurs.
  3. L’adulte : qui représente une posture plus rationnelle guidé par nos décisions et analyses.

Exemple

Voici un exemple concret, vous rentrez à la maison après une journée de boulot fatigante et vos enfants vous sautent dessus pour vous poser la sempiternelle question « Qu’est-ce qu’on mange ? »

  1. « Je n’en sais rien, je suis fatiguée, laissez-moi tranquille ! » : c’est votre posture d’enfant qui s’exprime.
  2. « Vous n’avez rien d’autre à penser ? Si on vous le demande, vous direz que vous ne savez pas» : le parent.
  3. « Je n’ai pas encore eu le temps d’y réfléchir, je suis sûre qu’il y a de quoi faire dans le frigo» : l’adulte.

Les atouts de l’approche de l’analyse transactionnelle

Nous retenons plusieurs atouts à cette approche :

Mieux se comprendre

D’abord, mieux se connaitre, se comprendre, parfois même déconstruire des croyances passées très ancrées. En effet, dans un psychisme équilibré, les 3 postures s’expriment de façon équilibrée au juste moment. L’Enfant exprime assez de créativité et l’adulte prend le relais quand le temps est venu d’analyser une situation avec distance. Il arrive cependant que l’un l’emporte sur l’autre. C’est comme si nous étions bloqués dans un état ou plusieurs états et que nous n’avions plus accès aux ressources du ou des autres.

Dans le cas de l’hypersensibilité par exemple, c’est souvent l’état Enfant qui s’exprime à fond alors que l’adulte peine à se faire une petite place. Si nous analysons nos comportements et nos réactions à la lumière de ce cadre, nous prenons conscience de nos réflexes. Nous pouvons creuser pour en comprendre la source et parfois déconstruire des croyances qui nous empêchent d’être libres et autonomes dans nos vies.

Quelle posture prendre

L’autre idée derrière cette approche est de décrypter quelle posture s’exprime le plus dans certaines relations en particulier afin d’identifier si elle est appropriée. Sinon, une bonne piste peut être de creuser les dysfonctionnements de la relation et de mettre en place des frontières interpersonnelles différentes, mieux éclairées par ce petit pas de côté.

Difficultés relationnelles

L’analyse transactionnelle est recommandée pour aider les patients qui rencontrent des difficultés relationnelles ; comme c’est souvent le cas des personnes hypersensibles. En thérapie de couple, elle peut se révéler un outil puissant pour révéler les rapports de pouvoir qui s’exercent inconsciemment.

Réguler ses émotions une bonne piste pour les hypersensibles

Enfin j’aimerais terminer sur quelques pistes pour mieux vivre avec votre hypersensibilité, en faire un atout et éventuellement réguler vos émotions.

La bienveillance est un atout

D’abord, ne vous jugez pas. Regardez-vous avec bienveillance comme vous le feriez avec un ami. Vous n’êtes pas moins bien que les autres, vous n’avez pas une maladie ou ne souffrez pas d’un trouble. Vous avez autant de valeur que les autres. Ne laissez pas la culpabilité s’installer. Réécoutez nos épisodes #39 je pratique l’auto-compassion et #137 je cultive la bienveillance. De nombreuses études ont démontré que certaines facultés notamment cognitives sont décuplées par l’hypersensibilité, vous portez une richesse. Faites en un atout !

L’émotivité est une force

Pour ce faire, tordez le cou une bonne fois pour toutes à la croyance très répandue dans nos sociétés modernes. Celle qui dit que l’émotivité est une forme de faiblesse et que les émotions sont faites pour être réprimées ou contrôlées. La maturité émotionnelle ne réside pas dans notre capacité à brimer nos émotions. Elle vient avec notre capacité de dépasser des réflexes guidés par nos réactions émotionnelles pour poser des choix éclairés. Par exemple, ne pas fuir systématiquement une situation d’inconfort ou de peur et plutôt pouvoir parfois choisir de l’affronter une fois que la tempête émotionnelle est passée

Développer ses compétences émotionnelles

Apprenez à développer vos compétences émotionnelles grâce à notre épisode #140 Je suis émotionnellement intelligent. Les compétences émotionnelles consistent à apprendre à identifier, écouter, exprimer, réguler et utiliser nos émotions

Trouver son équilibre

Trouvez votre équilibre est un atout. La tentation est grande de rentrer dans votre grotte pour vous protéger de tous ces stimuli trop nombreux et trop intenses. L’inverse est vrai aussi car tout n’est que tentation. Et vous pouvez facilement vous surinvestir dans vos activités, vos relations ou encore votre travail. Dans les deux cas, vous luttez contre votre nature au lieu de composer avec elle. Respectez votre rythme et vos besoins. Apprenez à lire vos propres signaux de saturation pour savoir quel est le bon moment pour rentrer dans la grotte et celui d’en sortir. Vous vivrez davantage en harmonie si vous décidez de vous respecter en premier avant les autres.

Être exigeant dans ses relations

Soyez exigeants dans vos relations et évitez les relations qui vous pompent tout votre jus. Vous êtes naturellement plus empathique et pouvez plus rapidement que la moyenne mettre le doigt dans l’engrenage d’une relation toxique. Les relations toxiques sont relativement faciles à repérer. Elles sont douloureuses, souvent dans le jugement inavoué, déséquilibrées. Vous pouvez les repérer et mettre des limites immédiatement.

Si cela n’est pas possible, comme par exemple avec un collègue de travail que vous seriez obligé(e) de fréquenter, adoptez des limites intérieures. Construisez-vous un petit fort intérieur fait de confiance en vous et de renforcement positif pour vous protéger contre ce que vous ressentez comme des agressions. Au début, ce sera inconfortable parce que vous aspirez encore plus que les autres à l’harmonie. Cependant, les bienfaits personnels que vous récolterez sur le moyen/long terme sont importants.

Ecouter son corps

Enfin, comme souvent, le corps est un excellent outil pour reprendre le contrôle de nos émotions. Passez quelques minutes en pleine conscience, faites de la méditation ou de la sophrologie. Reconcentrez-vous sur ce que vous ressentez là, tout de suite, dans votre corps pour casser la boucle des mécanismes de ruminations émotionnelles.

Quelle vie pour un hypersensible ?

En bref, si je résume. L’hypersensibilité

1.     « est une acuité perceptive accrue qui fait ressentir les émotions de manière plus forte » nous rappelle le psychanalyste Saverio Tomasella.

2.     Elle peut venir de notre patrimoines génétique, de notre vécu, de l’attachement et aussi de notre environnement qui alimente nos croyances.

3.     L’analyse transactionnelle apporte un outil efficace pour mieux se comprendre en analysant la charge émotionnelle qui s’exprime dans nos relations aux autres et la transformer en un atout.

A vous de jouer chers auditeurs ! Cette semaine, la carte 2 minutes de bonheur vous propose de faire un pas de côté lorsque vous vous sentirez envahi(e) par une émotion, agréable ou non. Décrivez ce qui l’a déclenchée, son contexte, son intensité. Relisez ça à tête reposée et observez-ce qui s’est passé pour vous.

La petite mousse

La petite mousse de la semaine est toute douce et nous vient d’un grand poète, Charles Baudelaire « La sensibilité de chacun, c’est son génie ».

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