La psychogénéalogie… « Tu n’y peux rien ; c’est un atavisme familial ». Combien de fois ai-je entendu cette réponse quand j’expliquais que je n’arrive pas à ralentir au travail, à m’arrêter de courir tout le temps et à me poser tranquillement.

Apparemment, puisque tout le monde est ainsi dans ma famille, alors je suis condamnée à fonctionner de la même façon. Il n’y a pas d’issue. « C’est parce que tes grands-parents ont tellement manqué qu’ils ont transmis ce besoin de se protéger de l’avenir à leurs enfants qui à leur tour le transmettent inconsciemment aux leurs ».

Alors, ma trajectoire et ma façon d’envisager la vie sont plus guidées par ce que j’ai reçu en héritage que par mes propres choix ? Comment appréhender la transmission intergénérationnelle ? Est-ce qu’il existe vraiment un déterminisme ? Comment prendre de la distance avec mon héritage ?

Quand les histoires de famille se répètent

Dans le roman fabuleux d’Anne Berest, La carte postale, elle constate par elle-même des points communs étonnants entre ses ancêtres, dont une grande partie qu’elle n’a même pas connus car ils ont été déportés au cours de la deuxième guerre mondiale, et son propre parcours. Au détour d’une rue où elle rêve d’habiter depuis toujours, elle découvre qu’une de ses aïeules y a longtemps vécu.

Autre fait à analyser en psychogénéalogie. Le prénom de sa sœur n’est autre que celui qui a été choisi par une ses lointaines grands-tantes comme patronyme de l’héroïne d’un roman qu’elle n’a jamais pu écrire. Bref, des hasards ou des coïncidences qui interrogent forcément les mécanismes de la mémoire et de la transmission. Que recevons-nous de nos ancêtres ? Qu’est ce qui nous est transmis parfois bien inconsciemment ?

La généalogie a toujours passionné les français. Une étude de 2016 rapporte qu’ils seraient 70% à s’y intéresser. Si elle a souvent été une façon de convoquer la grande histoire ou de localiser un ancrage familial, elle est aussi devenue une quête identitaire. Avec des questions comme « Est-ce que l’histoire de ma famille pourrait expliquer ceci ou cela ? » Les ressources et les sites en ligne de psychogénéalogie se multiplient et répondent souvent à ce besoin de chacun de retrouver ses racines et de réorganiser l’héritage qu’il a reçu pour remettre du sens dans sa vie. Jusqu’à certains qui font des test ADN pour mieux connaître leur héritage ethnique.

C’est quoi la psychogénéalogie en psychologie ?

C’est ici qu’embarque la psychogénéalogie.

Elle est une discipline qui a pour objectif d’apaiser la souffrance, l’inconfort ou le mal-être de quelqu’un en analysant son héritage généalogique. Concrètement, le thérapeute va aider son patient à creuser dans son arbre généalogique des failles ou des événements qui pourraient expliquer ses troubles présents.

L’idée soutenue est que certains chocs se transmettent de génération en génération. Et ce, d’autant plus fortement que l’effort a été grand de les cacher. Ce sont souvent des événements honteux que la famille a cherché à taire à tout prix. Comme la ruine d’un membre de la famille, un suicide, la prison d’un proche, une addiction. Ou encore une maladie honteuse qui vont être analysés en psychogénéalogie.

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Comment fonctionne une séance de psychogénéalogie

C’est la psychothérapeute Anne Ancelin-Schützenberger qui a développé la discipline de la psychogénéalogie. Elle a travaillé pendant plusieurs années auprès de malades atteints de cancers. Et elle a constaté que les cancers s’étaient souvent déclarés précisément à l’âge où l’un des proches parents des patients était mort de façon choquante. Soit de maladie grave, soit lors d’un accident mortel.

Sur cette base, elle a développé un outil : le « génosociogramme ». Il consiste à reconstruire tout son arbre généalogique en répertoriant les événements marquants de la vie de nos ancêtres. Qu’ils aient été heureux ou malheureux : mariages, naissances, séparations, maladies, fausses couches, installations et déménagements, accidents… Un véritable travail de détective pour retrouver toutes ces informations au sein des ressources publiques disponibles. Avec cet outil, Anne Ancelin a par exemple mis au jour des liens entre les échecs professionnels présents de certains patients et les échecs scolaires à répétition de tous leurs ancêtres qui n’avaient jamais réussi à poursuivre des études.

Les principes d’un génosociogramme

Dans le génosociogramme, la transmission entre les générations fait apparaître :

  • Des syndromes d’anniversaire.
  • Des éléments de type « Contrats de naissance ». Ce sont des projections de nos parents ou de nos familles auxquelles nous nous sentons inconsciemment obligés de coller. Ce contrat intergénérationnel est un peu comme une obligation qui se transmet de génération en génération. Par exemple, une famille désargentée va projeter sur les nouveaux venus l’urgence de faire fortune. Ou encore un enfant unique dans une famille nombreuse qui recevrait l’obligation implicite d’avoir plusieurs enfants pour ranimer la lignée.
  • Des loyautés invisibles. Ce sont des consignes implicites, des héritages que nous nous sentons – toujours inconsciemment – forcés d’honorer et qui donneraient du sens à notre parcours. Par exemple, une famille d’artistes dans laquelle les jeunes s’interdiraient inconsciemment de considérer toute carrière plus standard. Ou bien l’héritage d’une lignée marquée par les échecs sentimentaux qui empêcherait leurs descendants de s’autoriser une relation de couple harmonieuse et stable.
  • Des fantômes. Attention, évidemment je ne vous parle pas de Casper. Cependant, il arrive que dans certaines familles le destin tragique d’un aïeul alimente des projections sur un enfant à venir.

Que dit la science de la psychogénéalogie ?

La psychogénéalogie se heurte à un obstacle de taille. Elle n’est pas relayée par les résultats d’une démarche scientifique expérimentale. Cependant, quelques expériences ont montré certains résultats intéressants qui appuient la théorie d’une transmission intergénérationnelle. Au moment des attentats du 11 septembre, Rachel Yehuda, professeur de psychiatrie et de neurosciences à l’école de médecine Icahn du mont Sinaï à New York s’est penchée sur le cas des femmes enceintes exposées à la catastrophe et aux conséquences sur leurs fœtus.

Quelques mois après leur naissance, les scientifiques ont observé que les enfants étaient nés plus petits que la moyenne. Et qu’ils présentaient comme leurs mères un taux de cortisol perturbé, l’hormone du stress.  Intéressant de constater que c’est aussi ce qui a été observé chez les enfants des survivants du drame de l’holocauste. Bien sûr, il est permis de s’interroger sur la cause. Ces enfants présentaient-ils cette caractéristique parce que élevés par des parents traumatisés ? Ou parce que leur patrimoine biologique a directement été altéré ? L’étude est allée plus en profondeur et a détecté des modifications épigénétiques qui se transmettent aux bébés.

L’épigénétique

L’épigénétique, vous vous en souvenez sûrement, est le sujet de notre épisode 73. C’est la science qui étudie l’influence des facteurs externes sur l’expression des gènes. En gros, comment notre environnement contribue à façonner la façon dont nos gènes fonctionnent et jouent leurs rôles dans nos processus biologiques.

Dans le cas qui nous intéresse, les traumatismes s’impriment durablement dans nos gènes. Car il a été observé que même les mères qui ont connu le génocide alors qu’elles n’étaient que des enfants en ont transmis les conséquences dans le patrimoine génétique de leurs enfants. Le choc imprime définitivement le patrimoine génétique des parents qui le transmettent par le sperme du papa ou les ovules de la maman à leurs bébés.

Certes, certaines études scientifiques soutiennent partiellement l’influence de la transmission sur le bien-être des générations futures. Cependant, pour certains détracteurs de la psychogénéalogie, la critique première de cette discipline pourrait se résumer en un adage : « quand on cherche, on trouve ». Le manque d’étude scientifique de long terme et corroborant toutes les mêmes conclusions tend à penser que le déterminisme n’est pas de mise. La fatalité qui veut que nous soyons condamnés par la loyauté familiale inconsciente. Celle dont dont l’héritage nous force à vivre des troubles au présent n’est pas démontrée.

Les traces de l’histoire familiale

Néanmoins, il n’en reste pas moins que l’histoire familiale peut laisser des traces. C’est le cas notamment des secrets de famille qui peuvent encombrer les rapports humains au sein de la famille. Le porteur de secret est dans l’hyper vigilance, de peur de révéler le secret. Et cela fausse ses rapports avec les autres. Si le secret perdure dans le temps, il peut avoir des conséquences sur les générations futures qui le portent sans le savoir. Les enfants de ceux qui ont gardé le secret peuvent avoir des angoisses et des comportements inexpliqués. Ainsi que des cauchemars et des troubles psychosomatiques comme des maux de tête et troubles du sommeil.

Les sentiments néfastes qui ont accompagné la lignée du dessus comme la honte, la culpabilité, la peur d’être découvert se transmettent parfois à leurs enfants. Il est souvent libérateur de révéler ses secrets dans un groupe. C’est une forme de mise à nu qui remet de l’authenticité et de la vulnérabilité dans les rapports sociaux. Nous vous avons parlé des bienfaits de la vulnérabilité dans notre épisode #49. Et nous le savons notamment grâce à Martin Seligman, fondateur de la psychologie positive. Les relations humaines de qualité sont une composante fondamentale de notre bien-être durable. Vous pouvez réécouter notre épisode #79 sur le lien social pour approfondir ce thème.

H3 Comment gérer un secret de famille

Sans apporter une réponse univoque à cette interrogation, je dirais qu’il est bon de s’assurer de la façon dont un secret est révélé. Et de la capacité de celui qui le reçoit à le gérer. Je pense à une de mes amies dont l’un des enfants a rencontré vers 7 ans plusieurs difficultés scolaires et autres, plus psychologiques. Elle a décidé de lui révéler qu’avant lui, elle avait perdu un enfant mort-né.

Mon amie a expliqué sa douleur et raconté ce qui s’est passé à son fils. Que personne n’était responsable. Cependant, elle lui a aussi expliqué que sa naissance à lui n’avait rien à voir avec ce traumatisme. Que c’étaient 2 événements séparés. Que son mari et elle avaient désiré chacun de leurs enfants et les aimaient tous autant sans que l’un remplace l’autre.

Par la suite, elle a observé des changements de comportement chez son fils. Il a donné l’impression de se libérer et de s’autoriser davantage à être lui-même.

Comment se débarrasser des mémoires transgénérationnelles

Avant toute chose, j’aimerais rappeler que toute transmission n’est pas mauvaise, au grand contraire ! La sagesse de l’expérience est une grande force qui peut aider les prochaines générations à mieux avancer dans la vie. Partager notre vécu, nos erreurs et aussi nos succès avec nos enfants et petits-enfants est un moyen très précieux de les équiper pour la vie.

Les grands-parents et parents ont aussi souvent à cœur de nous transmettre les valeurs qui les ont guidés pour nous aider à avancer le mieux possible dans la vie. Le maintien des liens intergénérationnels permet de nourrir de belles vertus comme la bienveillance, le respect, l’écoute, la considération de l’autre et la curiosité, pour n’en citer que certaines.

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Tous les secrets sont-ils bons à être révélés ?

 

Pour ce qui est de déjouer certains pièges de la transmission inconsciente de traumas ou douleurs, une première piste à explorer serait de favoriser la transparence. Les événements ont souvent l’air plus louches ou douloureux s’ils sont entourés de silence. Ils créent plus de pression.

Libérer la parole permet de briser un cercle vicieux qui pèse parfois lourd dans une famille. Cependant, et sans vouloir se lancer dans un devoir de philo du type « toute vérité est-elle bonne à dire ? », avant de lever les mystères et les non-dits, il est mieux de comprendre pourquoi nous le faisons et ce que nous souhaitons en faire. Une vérité partagée connecte aux autres, elle créé une passerelle de plus dans une relation. Prenons cependant garde à ne pas nous empresser de soulager notre conscience. Ou bien de répondre à notre besoin en dépit de la capacité des autres à appréhender ce secret ou à nous comprendre. Restons prudents.

Comment couper le transgénérationnel ?

Ensuite, lorsqu’il s’agit d’analyser son héritage, encore une fois, faire preuve de prudence. Les événements s’inscrivent toujours dans un contexte. Et nous avons rarement toutes les cartes en main pour bien saisir leur portée.

Hors cas particuliers que sont les actes condamnables de viol ou d’inceste, chaque choc est vécu par une personne en particulier, dans un état de vie bien précis et dans une période précise. Une maladie, une faillite personnelle, des échecs scolaires ou amoureux ne sont que des faits que nous regardons avec nos propres lunettes. Peut-être qu’à l’époque et dans une certaine famille, tomber enceinte hors mariage était inexcusable. Au point de provoquer des ruptures familiales. Cependant, l’histoire ne dit pas le vécu de la maman et de l’enfant après avoir été reniés. Peut-être qu’ils ont été heureux. Plus heureux que s’ils avaient dû porter leur secret comme un fardeau.

Ensuite, dégager sa responsabilité dans le vécu de nos ancêtres. Ce n’est pas parce que nos ancêtres ont souffert que nous n’avons pas le droit d’être heureux. Il peut nous arriver de nous sentir coupable d’avoir de meilleures conditions de vie. Ou d’avoir une belle vie et de quoi subvenir à nos besoins. Mais aussi d’avoir une famille heureuse, une santé de fer, comparée à nos parents/grands-parents qui ont davantage souffert. Chaque trajectoire de vie est différente, le monde et la science progressent, nous sommes libres d’être heureux.

La psychogénéalogie : un moyen pour se libérer du poids du passé

Pour déjouer le syndrome anniversaire et les secrets de famille, il est recommandé de nommer, poser des mots sur ces derniers. C’est une façon de les sortir de nous, de les mettre à distance. Nous pouvons ensuite les dissocier de ce qui est notre propre vécu. Pour construire une frontière entre la source de notre souffrance et le secret dont nous avons hérité. Cela permet aussi d’aborder les choses de façon plus constructive. Si ma souffrance n’est pas une fatalité alors je peux agir dessus. Je peux la comprendre et peut-être même trouver en moi des ressources pour la réduire.

L’importance du sens

Aussi, trouver une autre source de sens. Nous cherchons tous à mettre du sens dans nos vies, à comprendre pourquoi nous sommes là et quel le but de notre existence. La tentation est grande de se jeter dans l’analyse généalogique pour trouver des réponses à ces questions. Je suis comme ci parce que ma mère était comme ça. Je ne suis pas capable de ceci parce que personne dans ma famille n’y est jamais arrivé. Cependant, cette analyse enferme au lieu d’ouvrir le champ des possibles.

Vous pouvez trouver du sens en revenant à vous-même. En vous interrogeant sur ce compte pour vous, sur vos valeurs (aidez-vous de notre épisode #75 J’identifie mes valeurs par exemple). Les valeurs sont un peu une boussole qui guide votre bien-être et vous permet de vivre en cohérence avec ce qui est vraiment important pour vous en tant qu’individu. Il est assez rare de trouver du sens uniquement en observant les autres. Il est recommandé de plutôt mener une introspection (épisode #103 Je prends le temps de l’introspection).

La mise en récit

Enfin, lorsqu’il s’agit de savoir quoi faire de ses propres secrets, de ce que nous pouvons transmettre, une bonne piste est la mise en récit. Rappelez-vous notre épisode #156 sur les bienfaits de l’écriture. Boris Cyrulnik nous le rappelle. L’écriture est une grande source de bienfaits. Notamment elle nous aide à mieux nous comprendre, à relier notre histoire individuelle et aussi de mieux la transmettre.

Les événements traumatiques sont réinscrits dans leur contexte, là où avant ce passage au papier, ils étaient isolés du reste de nos vies et créaient des ruptures. Le récit est aussi un outil précieux de partage avec nos enfants. Des études sur l’attachement montrent d’ailleurs que l’attachement à une mère qui a eu une enfance traumatique est plus délicat. Et qu’il est meilleur si elle est capable de la raconter à son enfant, de mettre des mots sur son vécu et de le lui confier.

La psychogénéalogie en résumé

  1. La psychogénéalogie consiste à soulager la souffrance de quelqu’un en repartant de son arbre généalogique et en faisant des liens avec des événements marquants qui ont jalonné la vie de ses ancêtres.
  2. Des loyautés invisibles, des syndromes anniversaires et des contrats de naissance peuvent ressortir de cette analyse et nous laisser croire que notre vie est influencée ou même déterminée par celle de nos ancêtres.
  3. La science n’a pas encore confirmé cette théorie même si elle observe un certain niveau de transmission biologique.
  4. Pour déjouer les tours de la transmission intergénérationnelle, nous pouvons lever les secrets de famille, chercher du sens ailleurs et remettre les parcours de nos aïeuls dans leurs contextes pour mieux nous en détacher.
  5. Enfin, la transmission est une profonde source de richesse car les enseignements tirés de l’expérience partagée de nos ainés peuvent guider notre façon de conduire nos vies aujourd’hui.

A vous de jouer chers auditeurs, cette semaine, la carte de 2 minutes de bonheur vous propose d’interroger vos parents ou vos grands-parents et leur demander de vous nommer 3 valeurs qu’ils ont envie de transmettre.

La petite mousse est servie par Saint Thomas d’Aquin « Il est plus beau de transmettre aux autres ce qu’on a contemplé que de contempler seulement »

Avec Bulle de bonheur, prenez le temps d’être heureux !

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