J’ai une blessure d’abandon qui me colle à la peau… Ce lundi matin, tout le monde semble très complice à la machine à café. Je finis par comprendre qu’ils étaient tous à la même soirée organisée par mon collègue… moi, je n’ai pas été invitée. J’en ressens une douleur sourde, les larmes me montent aux yeux, je file rapidement me noyer dans le boulot. Je déjeunerai seule à mon bureau puisque visiblement je ne suis pas assez bien pour eux. Tout à l’heure, j’ai un point individuel avec un des comptables de la bande, je vais lui demander comment s’est passé son week-end et essayer de copiner un peu. Je pourrai même lui demander de valider mon modèle Excel. Après tout, se donner des petits coups de pouce permet de développer des amitiés et ça nous ouvrira plus d’occasions de bosser ensemble.

Et là, ça me chicotte : pourquoi est-ce que je m’empresse de rechercher des soutiens dans pleins de situations ? Est-ce que j’ai vraiment besoin des autres pour être bien dans ma peau ?

Blessure d’abandon : qu’est-ce que c’est ?

Nous continuons la série d’épisodes sur les blessures de l’âme. Un petit rappel introductif : le concept nous vient de Lise Bourbeau et est développé dans son essai Les 5 blessures qui empêchent d’être soi-même. Les blessures de l’âme sont des expériences douloureuses que nous aurions vécues pendant notre enfance et qui continuent d’influencer nos réactions et notre personnalité d’adulte. C’est ce que Lise Bourbeau appelle les masques. Nous avons déjà développé les blessures d’humiliation #196 et de rejet #199 ; aujourd’hui, je vous parle de l’abandon.

Quelle est la différence entre la blessure d’abandon et la blessure de rejet ?

Commençons par le commencement : qu’est-ce que l’abandon et en quoi est-ce différent du rejet ? Je vous en parlais dans l’épisode #199 sur le rejet. L’abandon est le fait de quitter quelqu’un ou quelque chose pour aller vers un autre but et de façon définitive. C’est un désengagement : le Larousse le définit comme une renonciation. Alors que le rejet est le rejet de son objet, l’abandon est un départ pour autre chose, pour sa survie. Et ce, pour toujours ou en tous cas pour une longue durée.

Rappelez-vous Lise Bourbeau fait cette distinction. Celui qui rejette utilise l’expression « je ne veux pas » tandis que celui qui abandonne dit plutôt « Je ne peux pas ». C’est une blessure très aigüe car bien qu’elle ne soit pas volontairement dirigée contre nous, elle a une portée très lourde. Puisque la plupart du temps, elle est définitive.

Rappelons-nous que la souffrance d’une blessure de l’âme et son intensité viennent moins de la source de la douleur ou de son auteur que de la manière dont est accueilli l’événement et le ressenti qui en découle. Par exemple, un enfant peut se sentir abandonné lors de la naissance d’un petit frère sans que le parent l’ait abandonné dans les faits. Certains enfants peuvent se sentir abandonnés lorsque leurs parents passent de longues journées au travail et qu’ils sont déposés à leur nounou ou à la crèche. Ou lorsqu’ils sont déposés à leurs grands-parents pendant les congés. Ce qui compte, c’est la manière dont sont vécues ces expériences, plus que les expériences en elles-mêmes.

Quand commence la blessure d’abandon

La blessure d’abandon est le plus souvent vécue avec le parent de sexe opposé. Lise Bourbeau observe que le silence du parent de sexe opposé est souvent vécu comme un abandon. Le parent de même sexe peut avoir pris le dessus dans l’éducation et l’accompagnement de l’enfant qui se sent délaissé par l’autre parent. Lise Bourbeau a rencontré quantités de personnes lui rapportant qu’elles pensaient qu’elles n’intéressaient pas leur parent de sexe opposé. Ce qui est particulièrement aigu avec cette blessure c’est que souvent elle s’accompagne d’un sentiment d’être rejeté par le parent de même sexe. En gros, mon parent qui est de même sexe peut temporairement prendre un peu de distance et je me sens rejeté. Tandis que mon autre parent ne s’intéresse pas à moi et je me sens abandonné. Ces deux blessures vont souvent de paire et s’accompagnent d’une grande souffrance.

Les personnes qui souffrent de la blessure d’abandon sentent que leur réservoir affectif n’est pas assez rempli.

Les mécanismes d’autodéfense de la blessure d’abandon

Selon Lise Bourbeau, le masque désigne l’ensemble des comportements et attitudes qu’un individu souffrant d’une blessure de l’âme déploie pour éviter de ressentir de la souffrance. C’est en quelque sorte sa protection. Le masque de la blessure d’abandon est celui du dépendant.

Le dépendant développe tous les moyens d’obtenir l’aide des autres

Une personne dépendante développe tous les moyens d’obtenir l’aide des autres. Car c’est pour elle la plus grande preuve d’amour dont elle a trop manqué. C’est pourquoi elle demande souvent leur avis aux autres qu’elle ait ou non déjà pris sa propre décision. Elle cherche l’approbation de son entourage. Elle demande aussi souvent des conseils qu’il ne suit pas nécessairement. Ce n’est pas vraiment le conseil qu’elle cherche ; plutôt la démarche de l’autre qui se met à son écoute, la réconforte ou l’assiste. La qualité de sa relation aux autres se mesure à leur capacité à l’aider. En gros, voici la façon dont elle lit les relations humaines : plus tu m’aides, plus tu m’aimes. Parfois, elle peut même rechigner à la tâche dans l’attente de quelqu’un qui acceptera de faire l’effort ou l’activité avec elle. Lorsqu’elle-même aide quelqu’un, elle s’attendra à un renvoi d’ascenseur car c’est ainsi qu’elle sentira de l’affection.

L’entretien de la blessure d’abandon

Elle entretient son manque d’autonomie, sa dépendance aux autres. Et aussi sa position de victime pour se protéger contre la sensation d’être abandonnée.

Elle se sent de nouveau abandonnée quand la personne retourne à ses propres occupations après avoir passé du temps avec elle. C’est comme si son réservoir affectif n’était jamais assez rempli. Par exemple, lorsqu’un parent prend un temps posé pour faire un jeu de société avec son enfant. Même s’il lui explique clairement « une partie de Monopoly tous les deux puis j’irai préparer le diner », l’enfant n’arrive pas à accepter que son parent le délaisse après ce moment ensemble. Ainsi, le dépendant a de la difficulté à accueillir un refus. C’est pourquoi il insiste souvent sur ses demandes. Plus il souffre en essuyant des refus, plus il est capable de déployer tous les moyens pour obtenir un oui ou de l’attention. Par exemple, un conjoint qui se met à bouder parce que sa femme est partie en soirée de filles avec ses amies.

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Le dépendant est parfois victime ou sauveur

De toutes les personnes touchées par les blessures de l’âme, le dépendant est celui qui est le plus susceptible de devenir une victime. La notion de victime est très sensible, aussi je veux bien en préciser la définition. Selon le Larousse, une victime est une personne qui subit quelque chose.

Dans le cas du dépendant, il se crée des difficultés dans plusieurs domaines pour attirer l’attention. Une manière inconsciente de remplir son réservoir affectif. Le dépendant croit que sans l’attention des autres, il n’est pas aimé.

Par exemple, certains enfants ralentissent inconsciemment le développement de leur autonomie, exigeant l’aide de leurs parents pour tout. Ainsi, ils s’assurent d’être bien au centre des préoccupations de leurs parents. Ainsi, des petits enfants qui savent très bien monter seuls les marches du toboggan et qui exigent que leurs parents leur donnent la main. Ou bien qu’ils se tiennent derrière eux en sécurité. Le dépendant a besoin de sentir qu’il peut compter sur les autres. Chez les adultes dépendants, nous pouvons observer une tendance à dramatiser les situations. Par exemple, l’absence de disponibilité ou de réponse à un texto qui est vécue comme une trahison. Le dépendant cherche à créer des problèmes qui lui apparaissent comme des cadeaux, car ils lui apportent l’attention dont il a besoin. Rencontrer ces difficultés est moins douloureux que la souffrance de l’abandon.

Autre expérience

Dans une réunion publique, Lise Bourbeau observe que le dépendant est celui qui va le plus rechercher l’attention. Elle repère aussi les personnes qui viennent lui parler en privé ou lui poser des questions après une intervention. Ce sont souvent des personnes dépendantes qui recherchaient plus son attention pour elles-mêmes que la réponse à leurs questions. Ce qui importe c’est la relation privée qui se tisse et l’intérêt qui leur est porté.

Paradoxalement, le dépendant adopte aussi souvent le comportement du sauveur. Par exemple, certains enfants s’occupent beaucoup de leurs frères et sœurs comme des seconds parents. Ils sont alors au cœur de l’attention, et ne se sentent pas abandonnés. Certaines mères investissent exagérément la relation avec leurs enfants. Portant le masque de dépendantes, elles sont plus touchées plus tard par le syndrome du nid vide.

La plus grande peur du dépendant

La plus grande peur du dépendant, vous l’aurez deviné, c’est la solitude. Car il est convaincu de ne pas pouvoir le gérer. Il vit mal l’ambivalence entre son attitude qui attire l’attention des autres et le risque que, à trop en demander, il finisse par lasser et être de nouveau abandonné. S’il dérange les autres, ils vont eux aussi le délaisser.

Le dépendant a aussi très peur d’ouvrir les yeux sur sa blessure d’abandon car ce serait comme la revivre une nouvelle fois. Ces situations sont particulièrement visibles en couple. Souvent il y a un problème existant, latent, que l’un des conjoints ou les deux décident de ne pas voir pour maintenir le statu quo et ne pas risquer de se séparer. Ils préfèrent croire que tout va bien, faire des efforts ou se dire que tout le monde vit les mêmes difficultés (ans d’ailleurs s’en assurer auprès de leurs amis par exemple). Tout, plutôt que d’affronter le risque d’en parler et de devoir prendre une décision qui pourrait les laisser isolés. C’est parfois aussi malheureusement cette tendance qui s’exprime chez les femmes battues ou les personnes dont le conjoint a de gros problèmes d’addiction ou de violence. C’est évidemment un sujet particulièrement complexe. Cependant Lise Bourbeau observe que ces personnes sont souvent des dépendantes. Elles préfèrent vivre avec quelqu’un qui est toxique pour elles plutôt que d’être seules.

Par exemple, le dépendant vit très mal le fait de ne pas être invité à une soirée ou simplement à une réunion. Il pourra rejeter ceux qui ne l’ont pas convié de peur de ressentir une nouvelle fois cette déception. Il les abandonne pour éviter qu’eux ne le fassent.

« Je ne suis pas assez bien pour mériter de l’attention »

En toile de fond de la souffrance du dépendant, nous comprenons qu’il ne pense pas être assez bien pour mériter l’attention, l’affection ou l’amour des autres. C’est une blessure très profonde qui atteint son être. Voilà un test intéressant que conseille Lise Bourbeau pour repérer les personnes dépendantes ou bien pour analyser sa propre blessure. Lorsque vous prenez un café avec quelqu’un ou que vous vivez un moment sympa en tête à tête. Comment vivez-vous le geste de cette personne qui jette un coup d’œil à sa montre ? Et elle, comment le vit-elle si vous le faites? Je crois que personne n’apprécie fondamentalement ça. Néanmoins, Lise Bourbeau observe que les dépendants changent radicalement et brutalement d’attitude ou de regard si elle le fait.

Enfin la blessure d’abandon dont souffre le dépendant affecte son mode de communication avec les autres. Il a toujours peur de perdre l’affection de l’autre. Aussi a-t-il beaucoup de mal à formuler des demandes ou à se confier car il a peur que l’autre parte. Ou bien qu’il soit en désaccord, qu’il le désavoue, qu’il ne l’écoute pas vraiment, qu’il ne le soutienne pas.

Le chemin de la guérison de la blessure d’abandon

Prendre conscience de sa blessure d’abandon

Le pas le plus important est le premier : la repérer et en prendre conscience. Cela vous semble peut-être difficile car vous ne vous êtes pas senti abandonné par vos parents. Cependant, votre souffrance vient peut-être du fait que vous avez reçu de l’attention sur un mode qui ne correspondant pas à vos attentes. Observez aussi vos comportements en couple, avec vos meilleurs amis ou vos enfants. Vous retrouvez-vous dans ce que je viens de vous exposer ? Soyez bienveillants avec vous-mêmes, vous n’êtes pas plus nul qu’un autre. Gardez en tête que nous vivons tous plus ou moins intensément avec ces 5 blessures : le rejet, l’abandon, l’humiliation, la trahison et l’injustice. Dans notre épisode #153 je suis sécure affectivement, je vous invite à explorer la théorie de l’attachement de John Bowlby pour comprendre comment vous ressentez de la sécurité affective et vous mettre en action pour vous sentir sécure affectivement.

Nommer ses forces et ses qualités pour oser

Une de vos voies de sortie est de prendre conscience de vos propres capacités. Vous êtes comme tout le monde, vous avez des forces, des talents. Réécoutez notre épisode #24 Je reconnais mes talents, si besoin. Vous n’avez pas toujours besoin des autres. Reconnectez-vous à vos capacités, faites des activités qui vous permettent justement d’exercer ces talents.

Prenez des risques. Cela vous permettra d’ouvrir le champ de vos possibles et d’envisager de nouveaux défis. La prise de risques est un outil formidable pour renforcer sa confiance en soi,  comme nous vous l’avons expliqué dans notre épisode #87 J’ose oser.

Cultiver des relations saines

Cultivez des relations durables avec des gens qui vous aiment comme et pour ce que vous êtes. Restez vigilants à la place concernant vos demandes d’aide et de soutien. Se soutenir c’est important. Cependant, ça ne doit pas être la seule motivation de vos rapports avec les autres. Observez les multiples façons dont s’exprime l’affection que votre entourage a pour vous et prenez aussi conscience de la façon dont vous aimez les autres. Je vous invite à réécoutez les épisodes #14 Je sors de la dépendance affective et #79 je créé du lien social.

Apprenez à dire non, sans paniquer à l’idée que celui qui reçoit votre refus va vous délaisser. Vous pouvez faire un petit tour par notre bulle de bonheur #38 J’apprends à dire non.

Enfin, la philosophie globale de nos bulles de bonheur est de vous équiper pour vous permettre de mieux vous comprendre et de gagner en autonomie dans tous les domaines de votre vie. Alors, quel que soit l’épisode que vous réécouterez, vous gagnerez en indépendance affective et vous cultiverez vos forces.

En résumé, ceux qui souffrent de la blessure d’abandon

  1. Ont peur de la solitude
  2. Cherchent dans l’aide et le soutien des autres la preuve qu’ils sont aimés
  3. Se mettent inconsciemment dans des positions de victimes ou en difficulté pour avoir l’attention de leur entourage

À vous de jouer chers auditeurs, la carte de 2 minutes de bonheur vous propose de vous booker un moment de solitude cette semaine pour lister au moins 5 forces et talents qui vous sont propres, exemples à l’appui !

La petite mousse de la semaine est une maxime du grand empereur romain Marc-Aurèle « Développe en toi l’indépendance à tout moment, avec bienveillance, simplicité et modestie »

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