Ah le silence… L’hiver dernier, j’ai eu une prise de conscience en faisant de la raquette dans ces immensités enneigées québécoises. Le silence de cette forêt m’a presque angoissée. Où est ma radio quand je suis en voiture, mes podcasts quand je marche, le brouhaha de la ville ? Ou bien les voix de l’open space, ma musique quand je suis dans mon canapé et le bruit des enfants qui jouent en fond sonore ?

Et là, ça me chicotte, le silence est-il ce vide qui angoisse, une habitude qui rassure ou un moyen de se retrouver comme certains le clament ?

La place du silence dans notre quotidien 

Dans un quotidien axé sur la performance, la rapidité, la circulation des personnes et des informations, le silence peut apparaître non seulement à contre-courant mais aussi déplacé, voire impossible.

Cela rappelle ce que nous avions dit à propos du temps. Comme si prendre du temps était signe de perte de temps. Comme si ralentir devenait contraire aux attentes sociales. Et pourtant, nous avions souligné à quel point savoir s’arrêter et se déconnecter était indispensable à notre bien-être (Bulle de Bonheur #2- j’étire le temps).

A l’instar du temps, le silence semble être devenu une denrée rare. Force est de constater aussi qu’il est devenu pour certains source d’appréhension. Comme si le silence s’apparentait à une vacuité angoissante, confrontante ou inutile. D’autres encore assurent qu’ils ne peuvent pas travailler dans le silence ou qu’ils sont même incapables de s’endormir sans la diffusion de sons (musique, “noisers”, …). Et pourtant, combien de fois avons-nous entendu que “le silence est d’or ?”

Comme le souligne Pascal Auclair, enseignant en méditation, «on est devenus dépendants aux stimulations présentes dans notre environnement, aux nouvelles technologies, à notre rythme de vie effréné et à la productivité. Dans ce contexte, insérer des plages de silence dans une journée peut être contre-intuitif», voire faire peur.

Mais qu’appelle-t-on silence ? 

Le silence total n’existe pas nous disent les scientifiques. Inutile donc de le chercher dans la nature ! En fait, le silence sur Terre est à son maximum dans les chambres « sourdes » des laboratoires de recherche en acoustique américains de la Nasa et d’Orfield Labs. Tapissées de matériaux poreux absorbants, de mousses de polymère et de fibres de verre, ces chambres absorbent 99,99 % des sons.

Elles sont utilisées pour tester la résistance des astronautes au silence. Mais avec parcimonie, car les scientifiques ont découvert que la perte des indices perceptifs pouvait être très dangereuse. Elle entraîne hallucinations et évanouissements au-delà de 45 minutes. Une découverte que les tortionnaires du Moyen-Age avaient sans doute déjà faite puisque les “chambres silencieuses” faisaient partie des instruments de torture de l’époque !

Mais il s’agit là d’un silence imposé, qui fait d’ailleurs écho à d’autres formes de silence, comme le tabou ou encore l’omerta. Vous imaginez bien je l’espère que ce n’est pas de ces silences dont nous voulons vous parler aujourd’hui mais plutôt d’un silence choisi et bénéfique.

Définition du silence

Si nous revenons à notre définition du silence, nous associons généralement le silence à une absence de bruits. Cette absence n’existant pas, nous devrions donc définir le silence comme une forte diminution des bruits environnants. Michel Le Van Quyen, directeur de recherche à l’INSERM, explique qu’il y a 3 formes de silence :

Le silence extérieur

il est la réduction du niveau sonore qui s’associe généralement à une baisse d’agitation dans l’environnement ;

Le silence “attentionnel”

Il se traduit par une réduction de la réception d’informations

Le silence de soi

C’est celui dans lequel notre discours mental intérieur ralentit, voire s’arrête.

Pour les neuroscientifiques, c’est la combinaison de ces “3 silences” qui va contribuer au bien-être de l’individu.

L’expérience du calme

Vous avez sans doute déjà observé que dans des moments de calme, où vous ne réalisez aucune tâche, votre cerveau part en roue libre et “produit son propre film”.

Les scientifiques ont en effet découvert qu’une partie autonome de notre cerveau permettait à nos pensées de vagabonder. Et que l’activité de cette zone cérébrale cessait dès que nous reprenions une tâche, dès que nous avions besoin de nous focaliser sur des interactions extérieures.

Or ces moments de “rêverie” ne sont ni des pertes de temps ni des défauts, mais bien une aptitude pour développer notre ingéniosité. Et également une certaine souplesse cognitive. Ainsi, comme le résume très bien Michel Le Van Quyen, “le silence de ce point de vue, serait une hygiène de vie qui favoriserait l’imaginaire, la créativité, la flexibilité mentale et la maîtrise de soi”.

Le silence reposant

De là, il est assez facile de comprendre que le silence permet au cerveau de se reposer, comme nous le faisons naturellement quand nous nous posons, loin des agitations de notre quotidien.

L’effet pour notre cerveau est double en fait car le cerveau se repose et en se reposant, il régénère ses ressources cognitives. A l’instar des batteries, notre cerveau a besoin de se recharger sinon il ne pourrait plus fournir l’énergie nécessaire à son fonctionnement adéquat.

Et il se rechargera d’autant mieux s’il est coupé des stimuli extérieurs.

Retenons que si l’être humain a besoin de stimuli sensoriels pour être en relation en société (la voix par exemple) et pour développer son cerveau, il a aussi besoin de silence.

Le bruit place en effet le cerveau dans un état d’hypervigilance et d’hyper-activité qui est producteur de stress (le cortisol). Or, le meilleur antidote à ce stress et à cette fatigue (qui peut être inconsciente) est l’absence de bruit.

experience calme

Si nous apprenions à prendre le chemin du silence ?

Comme nous l’avons déjà expliqué, notre cerveau, très sophistiqué et très intelligent, nous aide notamment à nous adapter à notre environnement.

La difficulté avec cela est qu’il peut nous donner l’illusion que cette adaptation nous convient.

Exemples

Prenons l’exemple de la faim. Via votre cerveau, vous recevez le message que vous avez faim le matin. Or, vous avez décidé de faire un jeûne intermittent, soit de rester sans manger pendant une période de 14 heures. Imaginons que par facilité, vous décidez de supprimer votre repas du matin.

A force de ne plus avoir de réponse au signal de faim que votre cerveau vous envoie, celui-ci va s’adapter et ne plus vous envoyer de signal. Vous n’aurez certes plus faim, mais ce n’est pas pour cela que c’est nécessairement bon pour votre corps !

La même chose se produit avec les personnes qui ont toujours vécu dans un environnement bruyant ou qui l’ont créé (on peut penser à de nombreux adolescents qui vivent avec leurs écouteurs greffés sur les oreilles et qui peuvent affirmer être incapables de s’endormir sans musique ou sans diffusion de son dans leurs oreilles).

Si la musique leur est devenue indispensable, cela ne signifie pas pour autant qu’elle est bonne pour eux !

De même, des personnes vivant prêts d’environnements bruyants (autoroutes, aéroports) peuvent vous dire avec sincérité qu’ils n’entendent plus les bruits. Or, de nombreuses études montrent aujourd’hui que ces environnements sont responsables d’une altération du système immunitaire et déclencheur de maladies cardio-vasculaires.

Effectivement notre système auditif a besoin d’être mis en pause. Après l’effort, le réconfort !

Comment faire faire une pause à notre système auditif

Pour les personnes qui sont habituées à être dans l’action permanente, dans l’agitation et/ou dans le bruit, ces coupures peuvent être mal vécues.

La rupture avec leur environnement habituel peut en effet générer un grand inconfort, voire un mal-être. Un peu comme une personne qui serait sevrée de ce qu’elle pense être sa source d’énergie, de vie. Elle peut même éprouver de l’angoisse face à cette absence de stimulation.

Le silence pour se retrouver

Le silence invite à une rencontre avec soi, à une forme d’introspection que certains veulent éviter en se réfugiant dans l’agitation et le bruit.

En plus, comme nous l’avons dit, notre cerveau, habitué à être sur-stimulé, va avoir tendance à continuer à réactiver les zones du cortex qui pilotent l’activité et la stimulation.

Aussi, là où vous souhaitez le silence, le cerveau peut vous emmener dans une sorte de tempête cérébrale, où vous ressassez toutes vos idées, vos projets en cours ou autres !

Acceptez de laisser à votre cerveau ce temps d’adaptation et évitez surtout de tomber dans le piège de regarder une série ou faire un jeu vidéo en pensant vous changer les idées, car vous tomberiez à nouveau dans la stimulation sensorielle !!!

Au contraire, laissez-vous aller à ce vagabondage, c’est à ce moment que vous permettez à votre imagination d’agir, mais aussi à votre pensée créative de s’activer.

C’est un vrai exercice de lâcher prise (#129 j’arrive à lâcher prise) qui suppose de renoncer à contrôler vos pensées et qui vous évite de tomber dans la rumination. #83 j’arrête de ruminer. Comme le rappelle Carl Gustav Jung, savoir pratiquer le silence dans notre vie permet de s’éveiller à notre moi profond et d’en découvrir les richesses.

Le silence dans la relation

Si nous avons beaucoup parlé des bienfaits du silence pour soi, nous pouvons également rappeler que le silence est important aussi dans la relation.

Non pas le silence de l’indifférence ou du mépris, utilisé pour faire mal, mais celui du respect, de l’écoute. Celui qui écoute vraiment fait silence pour accueillir pleinement ce que vit l’autre, ce que dit l’autre, sans jugement ni conseil.

Sans penser à mal, nous parlons souvent beaucoup trop et nous laissons peu de place au silence. Or être en silence permet de laisser la place à l’autre, de lui laisser aussi le temps et l’espace pour trouver ses propres solutions.

 

Et si le silence, c’était savoir mieux écouter ! Ecoutez les autres et leurs réponses !

Le jeu de questions 2 minutes de bonheur® ensemble est fait pour vous !

Mettre du silence dans notre quotidien 

Apprivoiser le silence

Avant d’obtenir tous les bienfaits du silence, il faut apprendre à le côtoyer. Ici encore, la politique des petits pas s’impose.

Si le silence crée un malaise ou une appréhension chez vous, approchez le doucement, en planifiant au début quelques minutes de silence par jour. Puis, progressivement, des plages plus longues.

Diminuez les bruits

Dans la nature :

Contemplez un paysage, regardez les étoiles, respirez le grand air …

En ville :

Réappropriez-vous les lieux silencieux (bibliothèques, musées, cimetières …).

Dans l’eau :

Certains ont peut-être déjà vécu cette expérience en prenant leur bain, en faisant la planche dans une piscine ou dans la mer. Bref en se laissant porter par l’eau la tête à moitié immergée (soit les oreilles dans l’eau).

En cas de forte anxiété, des médecins utilisent aussi la technique de la flottaison. Les personnes concernées flottent ainsi un certain temps dans des caissons de flottaison. Caissons fermés et remplis d’eau salée, coupés des stimuli lumineux et sonores. Les résultats sont très efficaces. Non seulement l’anxiété diminue et la bonne humeur augmente, mais les patients disent se sentir plus heureux !

Par des pauses acoustiques :

A faire seul mais aussi en famille ! Nos enfants doivent prendre l’habitude de vivre des petits temps de silence, sans paroles, sans musique, sans écrans. Jouer au roi du silence.

Cela est nécessaire pour réactiver les synapses du silence, sans quoi ils pourront vraiment devenir dépendants au bruit.

Ils auront alors raison de nous dire qu’ils ont besoin de bruit pour travailler, pour réfléchir ou encore pour se détendre, car leur cerveau se sera adapté, même si ce n’est pas bon pour lui !

Quant à vous, si vous avez l’habitude de mettre votre musique dès que vous êtes en voiture ou que vous faites la cuisine, ou encore pour faire du sport ou toute autre activité, accordez-vous une rupture d’habitude. Et tentez de faire la même activité sans stimuli sonore (et même si c’est écouter votre podcast préféré Bulle de Bonheur !).

Diminuez l’action et l’agitation

  • Respirez (Bulle de Bonheur #122 )
  • Favorisez les postures d’immobilité, avec la méditation par exemple (Bulle de Bonheur #114 et #122). Mais aussi toute pause qui peut freiner un temps votre agitation et vos déplacements. Les débuts risquent d’être difficiles tellement l’immobilité est vécue comme inconfortable, inutile ou encore négative. Vous verrez, avec le temps, vous allez en apprécier les bienfaits et ainsi mieux répondre aux besoins de votre corps qui a certes besoin de bouger mais a aussi besoin de repos pour se régénérer.
  • Tentez un repas en silence. Non seulement tous vos autres sens seront stimulés, et vous allez en plus profiter d’une sensation de paix très agréable.

Diminuez la dispersion mentale

  • Coupez ou au moins réduisez les notifications (téléphone, ordinateur).
  • Pratiquez des temps de déconnexion (voir Bulle de Bonheur #7)
  • Apprenez à dire non quand votre emploi du temps est déjà chargé (évitez de rajouter une énième réunion, un énième engagement …). Souvenez-vous que certains signes ne trompent pas (les oublis, les erreurs, les confusions…). Et que le burn-out peut arriver beaucoup plus rapidement que nous le pensons (Bulle de Bonheur #40).

Allez hop je me lance

En bref

1- Le silence est à portée de main et il est inépuisable !

2- Le silence nous permet de recharger nos batteries cérébrales, de développer notre vie intérieure et notre créativité.

3- Faire silence, c’est écouter. S’écouter soi mais aussi écouter les autres.

4- Le silence fait partie des déterminants de notre bonheur.

A consommer donc sans modération !

A vous de jouer ! 2 minutes pour penser à votre prochaine pause acoustique ! Chez vous, au boulot, lors d’un trajet ou d’une activité ? Seul, en famille, en défi amical ? Bref, du matin au soir, où que vous vous trouviez, créez aujourd’hui votre bulle de silence !

La petite mousse se déguste dans le calme cette semaine et nous vient de l’homme de rqdio José Arthur qui nous dit “le silence est la sieste du bruit”

Avec Bulle de Bonheur prenez le temps d’être heureux