Nous sommes des êtres de relation liés par le regard de l’autre

« L’enfer c’est les autres » disait Sartre. Le grand philosophe existentialiste résume ici une vérité essentielle de la condition humaine. Nous sommes en permanence exposés au jugement d’autrui.

C’est un drame intérieur parfois lourd de ne jamais pouvoir s’extraire du regard des autres pour exercer une liberté pleine et entière parce que libérée du quand dira-t-on (parfois pourtant inconscient).

Des êtres de relation

En fait, tous les regards qui nous épient orientent directement nos pensées et nos actes. La honte en est souvent le moteur. C’est souvent parce que les autres remarquent ou même se moquent de ma chute que je sens le rouge me venir aux joues. C’est dans les yeux de l’autre que je perçois ma maladresse et la sanction de mon geste inattendu.

La honte est un sentiment pour soi et cependant révélé par autrui.

Effectivement, nous sommes tous des êtres de relation. Nous vous l’avions décrit dans notre épisode 128 Je découvre les mécanismes primaires du cerveau. Depuis les premiers hommes, l’homme est habitué à chercher la sécurité dans le groupe. Les premiers hommes cherchaient la protection du groupe en cas de danger et y voyaient l’espoir de leur survie, cela a-t-il vraiment changé ?

La théorie de Maslow et la pyramide des besoins

Après un grand bond dans le temps, plusieurs théories ont fait ressortir l’importance du lien social comme facteur indispensable au bonheur.

C’est d’abord Abraham Maslow, psychologue américain qui, dans les années 1940, développe le modèle de la pyramide des besoins.

Il identifie que chaque être humain a 5 besoins fondamentaux hiérarchisés ainsi. D’abord des besoins de survie comme manger et dormir. Puis des besoins de sécurité (maitrise, stabilité, confiance…). Viennent ensuite ceux qui nous intéressent davantage. Les besoins d’amour et d’appartenance. Puis le besoin d’estime de soi et finalement, le besoin d’accomplissement (développer ses connaissances, créer, se dépasser).

Être accepté tel que nous sommes, recevoir et donner de l’amour et de l’amitié. Mais aussi se sentir compris et faire partie d’un groupe sont au centre des besoins de chacun. Si le sujet des besoins vous intéresse, je vous encourage à ré-écouter notre épisode 12 J’identifie mes besoins.

La théorie de l’auto-détermination apporte une compréhension sur l’amélioration de notre bien-être

La théorie de l’auto-détermination enfonce le clou dès les années 70. Nous aurions des besoins psychologiques fondamentaux qui nous permettent de nous développer sainement et de manière optimale. Et ainsi d’améliorer notre bien-être. Les 3 besoins sont

  • L’autonomie
  • Aussi la compétence
  • L’appartenance sociale c’est-à-dire le besoin de se sentir connecté et supporté par d’autres personnes

Nous le sentons bien. Notre besoin d’être apprécié et aimé des autres, d’appartenir au groupe n’est pas une faiblesse personnelle. Plutôt un attribut essentiel de notre nature humaine. Il est normal que je souhaite naturellement plaire aux nouveaux voisins qui viennent d’aménager. Ou que je sois parfois à la pêche aux compliments sur mon lieu de travail. Ce sont des signaux qui me sécurisent et me donnent le sentiment d’être à ma place.

Les remarques négatives dans une relation

Cependant, si l’autre est mon miroir, il se peut aussi que parfois je n’apprécie pas ce que j’y vois. Dans une relation, nous vivons ainsi particulièrement mal les reproches, la désapprobation ou la remise en question qui nous vient de nos proches. Par exemple, lorsque j’entends les commentaires de ma belle-mère qui désapprouve ma manière d’élever mes enfants, je le prends mal. Je me remets rapidement en question, je peux même perdre confiance en moi.

Pareil, lorsque je me rends compte que la majorité de mes collègues étaient invités à une soirée organisée par un membre de l’équipe et pas moi. Je me sens isolée et triste.

Mon premier réflexe est soit de me demander ce qui ne va pas chez moi et que puis-je changer pour y remédier. Ou alors, je critique l’autre. « Son style tellement décalé, n’est pas mon genre, c’est normal qu’il ne m’ait pas invité. Et en plus s’il l’avait fait, je n’y serais pas allé »

La place de la honte dans notre relation aux autres

Brené Brown est une chercheuse texane enseignante à l’Université de Houston au Texas. Depuis 20 ans, elle publie des recherches édifiantes sur le courage, la vulnérabilité, la honte et l’empathie. Elle est aussi un auteur à succès et ses essais de développement personnel trônent parmi les meilleures ventes. Ses recherches sont révolutionnaires car elles démontrent la nécessité d’accepter nos imperfections pour être plus heureux. Chouette programme, non ? Dans son essai la grâce de l’imperfection, elle s’attaque aux barrières qui nous empêchent de nous montrer tels que nous sommes. Elle démontre les bienfaits de nos imperfections.

L’intégration à un groupe nous pousse à être différent de nous même

Brené Brown commence par apporter une nuance intéressante à notre besoin d’appartenance. Selon elle, tous les êtres humains ont besoin de connexion, c’est-à-dire d’une force qui les relie aux autres. C’est ce qui nous pousse à essayer de nous intégrer au groupe. Cependant, ses recherches ont contribué à démontrer que l’intégration n’est pas suffisante à notre bien-être.

En effet l’intégration se limite à tout faire pour entrer dans le groupe. Par exemple, c’est le réflexe de la petite première de classe qui se met à dire du mal des professeurs pour intégrer le ‘groupe des cools’. Dans les faits, nous dit Brené Brown, l’intégration obstrue l’appartenance car nous nous efforçons de changer qui nous sommes alors que nous nous sentons appelés à être aimés précisément pour ça.

La conscience de sa propre valeur pour lâcher prise sur le jugement des autres

Deuxième constat très enrichissant de Brené Brown. Au cours de ses recherches, elle a observé une caractéristique commune à toutes les personnes qui s’épanouissaient à fond dans l’amour et le sentiment d’appartenance. Celle-ci est complétement contrintuitive : c’est la conscience de leur propre valeur.

Aussi surprenant que cela semble, pour nourrir notre besoin de connexion aux autres, il semble que nous gagnerions à nous sentir dignes d’amour et d’appartenance.

La dignité dans la relation

La dignité passe justement par le fait de croire en notre valeur personnelle sans attendre que cela vienne des autres. Elle passe aussi par le fait d’arrêter de chercher à se changer pour leur plaire. Lorsque nous arrivons à lâcher prise sur le jugement des autres et la recherche de leur validation, nous lâchons prise. Et nous libérons notre énergie pour nous approprier notre propre personnalité et notre histoire personnelle. #129 J’arrive à lâcher prise

C’est comme si subitement nous laissions un peu de place à nous-mêmes au lieu de passer notre temps à essayer de gommer nos défauts et nos aspérités.

Brené Brown nous invite à arrêter de penser que nous serons dignes d’amour lorsque nous aurons perdu ces 5 kilos, lorsque nous serons devenues directrices. Mais aussi lorsque nous serons des mères ou des amies parfaites ou encore lorsque nous aurons reçu la bénédiction de nos parents. Pour reprendre ses mots exacts « je suis digne maintenant, pas si, pas quand ».

Pratiquer l’amour de soi-même pour entrer en relation

Cela implique donc de pratiquer l’amour pour soi-même c’est-à-dire :

Nous le savons, nous sommes souvent plus durs avec nous-mêmes qu’avec les autres.

Hier encore, je me suis engueulée avec un collègue et j’ai surréagi. Aujourd’hui, je m’en veux, ma petite voix intérieure rumine et me rappelle combien j’ai été nulle. Cependant, si je prends le temps de creuser ma réaction, je réalise qu’en ce moment, je suis un peu débordée et fatiguée. Alors le petit grain de sable d’hier, ça a juste fait trop.

En explorant l’inconfort que je ressens en visitant cet épisode, je me comprends mieux et je peux aller chercher des ressources qui correspondent à mes besoins insatisfaits. Je vous recommande l’écoute de 2 épisodes sur ce sujet  #83 J’arrête de ruminer et #140 sur l’intelligence émotionnelle.

Stop à la perfection dans la relation

Il serait évidemment plus facile de continuer à s’efforcer de se modeler pour correspondre aux images d’Épinal de la perfection. Et ainsi remplir toutes les attentes des autres. Cependant, cela ne nous aiderait pas à nous sentir connectés. Car fondamentalement nous ne pouvons éprouver de l’appartenance que si nous nous exposons tels que nous sommes.

Alors voilà une fois que j’ai dit ça : cela semble très simple. Je vais m’aimer davantage et les autres vont suivre. Oui… Cependant il reste encore quelques blocages qui peuvent gêner votre route.

stop perfection

La dignité passe par la reconnaissance de la honte et de la vulnérabilité pour une relation apaisée

Brené Brown s’est intéressée à des sujets atypiques et pas forcément positifs comme la honte et la vulnérabilité. Elle a notamment découvert que pour nous sentir dignes, nous devions accepter de faire face à ce qui nous fait honte et accueillir notre vulnérabilité. # 49 Je montre ma vulnérabilité.

Pas commun le sujet de la honte… Et pourtant, la honte est précisément ce sentiment qui nous submerge quand nous ne nous sentons pas assez. Quand nous avons l’impression de devoir lutter pour obtenir la validation extérieure de notre valeur personnelle. Par exemple, je veux prouver aux autres que je suis quelqu’un de bien car je suis engagée au service de tous. Toujours présente pour mes amies, œuvrant pour ma communauté et aux petits soins pour mon mari et pour mes enfants. Je ne peux plus dire ‘non’ parce qu’alors, que vont penser tous ces gens qui ont toujours appris à compter sur moi ? Ils vont certainement m’en vouloir et je serai tellement honteuse !

Comment retrouver son authenticité dans une relation

Pour retrouver notre authenticité, Brené Brown nous aide à déconstruire la honte :

  • La honte est universelle : tout le monde passe par là, c’est une émotion primaire à laquelle sont exposés tous ceux qui souhaitent se connecter aux autres.
  • Nous avons tous peur de parler de la honte.
  • Plus nous cachons la honte sous le tapis, plus elle nous piège et prend la télécommande de nos vies.

C’est par essence, une émotion de la relation. La honte n’existe que par la sanction extérieure.

Qu’est ce que la honte apporte dans une relation ?

La honte est la peur de ne pas être aimée, c’est le contraire absolu du sentiment de dignité.

La honte nous pousse à croire qu’il faut absolument cacher nos faiblesses et parfois même aussi nos succès aux autres pour être aimés.  Parfois, il m’est très difficile d’avouer à mes amies mamans qui se sentent totalement dépassées par les nuits hachées, le terrible two et les désordres de la petite enfance que je vais bien. Elles se sentent dans un tourbillon sans fin et je leur dis que même si je suis une mère imparfaite qui élève des enfants imparfaits, dans l’ensemble je trouve ma vie de famille pas mal chouette.

Je n’assume pas de leur dire car alors que vont-elles penser ? Que je me la pète ? Que je me crois au-dessus et les méprise ? Que je cache des problèmes pour embellir mon image ? En tous cas, j’ai peur qu’elles se sentent mal et m’en veuillent. La honte exprime aussi notre peur profonde de l’échec. La crainte qu’une seule erreur, un manquement nous définisse à jamais et nous colle définitivement à la peau.

Quelles sont nos réactions face à la honte

Linda Hartling, une chercheuse américaine spécialisée dans l’étude de la dignité humaine et des mécanismes de l’humiliation, s’est penchée sur les réactions à la honte :

  • L’évitement : se cacher, se taire.
  • La complaisance : s’efforcer encore plus fort de plaire.
  • L’affrontement : l’agression frontale, œil pour œil, dent pour dent.

La plupart d’entre nous utilisons ces stratégies sans savoir qu’elles sont totalement contreproductives. Elles laissent encore plus d’espace à la honte et lui donnent de plus en plus de contrôle sur nos vies. La honte a besoin de 3 choses pour grandir : le secret, le silence et le jugement.

 

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Comment nous libérer de la honte

Autrement dit, pour nous en libérer, Brené Brown nous conseille d’appuyer là où ça fait mal. De reconnaitre et creuser notre honte pour comprendre ce qu’elle nous dit et progresser sur le chemin de la dignité personnelle. Au cours de ses recherches, elle a pu établir 4 caractéristiques des personnes les plus résilientes à la honte :

  • Celles-ci reconnaissent qu’elles ont honte et savent identifier les déclencheurs.
  • Elles déconstruisent les attentes qui les rendent honteuses. Elles réfutent la pensée qui consiste à associer imperfection et insuffisance.
  • Mais aussi elles partagent leurs histoires.
  • Et enfin, elles ne détournent pas le sujet et emploient le mot honte pour ce qu’il est.

Parler de nos hontes c’est parler de notre histoire et explorer nos imperfections

Brené Brown nous rappelle que la recherche de la perfection vient de notre croyance que si nous nous efforçons d’être parfaits alors nous allons pouvoir nous épargner la douleur du rejet, des reproches et de la honte. Or c’est tout le contraire ! Car la perfection est destructrice. D’abord et surtout parce qu’elle n’existe pas. Ensuite parce qu’elle est question de perfection. Ma sœur mesure 1 mètre 77, ses 45 kilos toute mouillée, son goût vestimentaire pointu, un livre de philo dans une main. Et en même temps son bébé sur la hanche et un sourire aux lèvres est ce qui s’approche le plus pour moi de la perfection.

Pourtant, elle ne se sent pas si bien, elle cache elle aussi des blessures d’amour propre. La perfection repose uniquement sur des impressions impalpables et impossibles à mesurer. Elle est donc par nature impossible car il n’existe pas d’échelle de mesure et nous n’avons aucun contrôle sur la perception des autres. Alors autant lâcher l’affaire tout de suite non ?

Les bienfaits du lâcher prise

Lâcher prise, s’accepter et se montrer imparfait nous permet de :

  • Mieux tolérer nos faiblesses et donc arrêter de nous épuiser à les combattre.
  • Aussi mieux accepter les faiblesses des autres et ainsi nourrir nos relations. Quand je m’ouvre aux autres et que je fais tomber le masque, c’est comme si je les invitais à faire de même. Nous entrons dans une relation de confiance que nous pouvons vivre plus profondément. Je vous recommande notre bulle de bonheur 78 Je suis vraie pour approfondir le sujet.
  • Enfin, lâcher prise renforce notre capacité à prendre des risques.

En bref, si je résume

  • Nous sommes des êtres de relation. Le sentiment d’appartenance à un groupe est un de nos besoins les plus fondamentaux.
  • Pour chercher à appartenir au groupe, nous nous efforçons de correspondre aux attentes des autres, nous cherchons à nous changer.
  • Or s’aimer soi-même, prendre conscience de sa valeur et de sa dignité unique sont indispensables pour nourrir des relations authentiques et remplir notre besoin d’amour.
  • Pour cela, il nous faut apprivoiser la honte et nous accepter imparfaits.

A vous de jouer chers auditeurs, une carte de 2 minutes ensemble vous propose de vous rappeler un moment où vous avez eu honte et pourquoi. Quelles sont les attentes des autres que vous avez eu l’impression de ne pas combler ? Est-ce que cela comptait vraiment pour vous ?

La petite mousse est mythique cette semaine et nous est servie par Michel Audiard à qui nous devons les dialogues savoureux intemporels des Tontons flingueurs: « Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière »

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