Les mécanismes de défense jalonnent notre quotidien… Comme notre ado qui n’exprime jamais ses envies par exemple. Que nous choisissions une activité en famille ou le repas à commander pour un diner sympa tous les deux, il se dépêche toujours de tomber d’accord avec n’importe quelle proposition amenée par n’importe qui d’autre. Le petit lui, quand on lui dit non, il part bouder.
Mon conjoint dort mal, il fait des insomnies, mange beaucoup plus de sucre et semble le plus souvent dans sa bulle qui l’isole des autres. Je sais que c’est difficile au boulot en ce moment. Cependant, dès que j’essaie d’aborder le sujet, il dit que je m’inquiète pour rien et que tout va bien. D’ailleurs souvent, il finit par s’énerver alors je laisse tomber. Je le comprends : moi, ma technique c’est de me plonger dans l’action dès que quelque chose me tracasse. Hop hop hop tout est bon pour éviter de trop y penser.
Et là, ça me chicotte : est-ce que c’est bien normal tout ça ? Qu’est-ce que ça dit de nous ?
Qu’est-ce que sont les mécanismes de défense ?
Ce sont des processus inconscients qui se déclenchent automatiquement, des façons de lutter contre l’angoisse, contre les facteurs de stress, un environnement hostile ou autre que notre inconscient juge inacceptable. C’est une façon de nous protéger contre quelque chose que nous estimons insupportable qui peut être de différente nature et de différente intensité chez chacun. Le mécanisme de défense est souvent inconscient. C’est une façon de protéger son intégrité quand nous avons un conflit interne à résoudre. Cela nous permet de nous adapter au monde externe, de le mettre à distance. Par exemple, les personnes qui ont subi un accident traumatique peuvent sembler complètement distantes, absentes à elles-mêmes, dépourvues d’émotions. On s’attend à ce qu’elles pleurent ou soient en colère et rien ne se passe. C’est leur façon de se protéger contre la souffrance de leur traumatisme. #248 La peur
D’où viennent les mécanismes de défense ?
La découverte des mécanismes de défense nous vient du psychanalyste le plus connu du monde, l’autrichien Sigmund Freud, qui les a mis en lumière dans ses recherches sur l’inconscient à la fin du XIXème siècle. Sa fille a poursuivi ses travaux et a démontré que ce sont des processus adaptatifs qui sont indispensables au développement de la personnalité. Plusieurs chercheurs les ont corrélés à différents niveaux de maturité. Un exemple de défense immature serait la dissociation tandis que les personnalités plus matures pourraient utiliser l’humour comme stratégie de gestion.
Une réponse du cerveau à la menace et au déplaisir
D’où est-ce que cela vient ? Rappelez-vous que votre cerveau cherche toujours à satisfaire votre circuit de la récompense, du plaisir ou de vous éviter un déplaisir. Les mécanismes de défense ont pour objectif de nous éviter un déplaisir. Rappelons-nous qu’à la base, notre merveilleux cerveau a été conçu pour la survie ! Et donc que la protection contre les menaces étaient une de ses fonctions premières – merci les mécanismes de défense ! Je vous en ai parlé dans notre épisode #128 sur les circuits primaires du cerveau. Cependant, depuis que nos civilisations ont progressé, notre cerveau est resté le même et ce sont les mêmes circuits qui s’activent dans notre boite crânienne que dans celle de l’homme des cavernes, édifiant, non ?
En même temps, vous le savez, notre cerveau est un organe qui apprend et se modèle toute notre vie. Il est très fort à construire des croyances que nous prenons progressivement pour des vérités. C’est grâce à la plasticité neuronale que se renforcent nos croyances positives ou négatives qui viennent elles-mêmes nourrir nos mécanismes de défense.
En conclusion, les mécanismes de défense sont un héritage d’une époque au cours de laquelle les défis humains étaient bien différents d’aujourd’hui. Et la force de notre cerveau c’est de les ancrer en nous.
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Quand les mécanismes de défense prennent trop de place
Les mécanismes de défense forment une sorte de barrière de sécurité interne qui nous permet de traverser les étapes de la vie et de gérer au mieux ce qui se présente. Jusqu’ici, rien de choquant, n’est-ce pas ? Après tout, c’est précieux d’avoir une petite batterie de ressources disponibles pour nous protéger, un bouclier auquel nous n’avons même pas besoin de penser parce qu’il se déclenche tout seul.
Défenses immatures et défenses matures : quelques exemples
Cependant, l’action de ces mécanismes peut devenir néfaste lorsqu’ils nous bloquent dans des œillères et qu’ils nous conduisent systématiquement à nous raconter une histoire qui n’est pas vraie. En effet, l’enjeu est qu’ils génèrent des croyances qui nous empêchent de voir la réalité en face et donc de prendre des décisions éclairées qui permettent de gérer la situation ou d’être aux manettes de notre bien-être. Pour creuser le sujet des croyances, je vous renvoie à nos épisodes #29 et #251. Dans ce cas, ils deviennent un frein, un blocage. Les personnes qui déploient systématiquement des stratégies inconscientes de défense présentent une forme de rigidité :
- Ils ont du mal à ajuster leurs comportements aux circonstances
- Ils résistent au changement
- Ils peuvent adopter des habitudes un peu compulsives
- Ils ont du mal à plonger en eux-mêmes pour une pause introspective et peuvent vivre déconnectés d’eux-mêmes et de ce qui est important pour eux
Les défenses primaires : fuir la réalité à tout prix
Voici quelques exemples de défenses primaires plutôt immatures :
Introjection
C’est le fait de se projeter dans quelque chose ou quelqu’un d’autre. C’est le cas des victimes qui s’identifient à leur agresseur.
Sa cousine, la projection, consiste à l’inverse à attribuer ses sentiments ou ses pensées à d’autres que nous. C’est lorsque je projette mes sentiments, mon mal-être ou ma culpabilité sur mon amie alors qu’elle me confie quelque chose qui n’a rien à voir.
L’excès ou la carence de valorisation, la survalorisation et la dévalorisation
Je vous en ai parlé dans notre épisode #264 sur le complexe d’infériorité.Que ce soit en trop ou en pas assez, se voir différent de ce que nous sommes est une façon de se cacher une partie de la réalité et nous empêche de faire face à nos défis ou de réaliser notre potentiel.
Le déni
C’est une stratégie douloureuse dans laquelle nous rejetons inconsciemment certains faits qui nous font trop souffrir. Je pense notamment aux dénis de grossesse qui sont si tristes pour les femmes. Ils sont souvent l’expression d’une incapacité à accepter l’idée de porter la vie.
La compensation
C’est le fait d’adopter un comportement afin d’occulter un sentiment désagréable. C’est une façon de rééquilibrer une faiblesse ou une souffrance ou une frustration en surinvestissant autre chose. Je reviens sur le complexe d’infériorité. Une des façons inconscientes de s’en protéger est de travailler beaucoup. De se rendre indispensable par la quantité de travail que nous abattons. Cela pour éviter de faire face au fait que nous ne nous sentons pas capable ou pas à la hauteur des autres.
Une autre stratégie : le déplacement
C’est le fait de projeter un affect désagréable lié à quelqu’un sur une autre personne. Par exemple, les choses se passent mal en ce moment avec votre conjoint et cela vous mettrait trop à risque de vous lancer dans la discussion que vous devez provoquer avec lui. Alors vous vous déchargez sur vos enfants ou un collègue au travail.
Défenses secondaires : contourner avec subtilité
Voici quelques exemples de défenses dites secondaires analysées comme matures :
Le refoulement :
C’est le fait de censurer un désir ou une pensée dérangeante et de l’enfouir très profondément pour ne plus la voir. Le refoulement est une stratégie souvent employée dans le cadre du sentiment de culpabilité. Par exemple, vous refoulez le découvert bancaire lié à vos dépenses déraisonnables et incontrôlées.
L’isolement :
Ce peut être le cas de personnes souffrant de syndrome post-traumatique. Elles sont capables de raconter tous les détails d’un événement traumatique sans ressentir la moindre émotion associée à cet événement. Les chercheurs observent que le sujet est capable d’isoler hermétiquement l’émotion et le raisonnement.
La rationalisation
C’est le fait de se raccrocher à des explications rationnelles rassurantes pour justifier son comportement car les réels motifs sont inavouables. Par exemple, un étudiant qui échoue à un examen parce qu’il n’a pas assez bossé et clame que les enseignants l’ont mal préparé au type d’épreuve. Observez qu’ici, l’explication pourrait passer pour une excuse auprès des autres.
Cependant, lorsqu’il s’agit d’un mécanisme de défense, le sujet est vraiment persuadé que l’histoire qu’il se raconte est la réalité. Et cela lui permet de se protéger contre la culpabilité ou la déception de ne pas avoir réussi. Notons que cela ne l’incite pas à faire un solide plan de travail pour la prochaine fois…
La régression :
L’exemple typique est un enfant angoissé par l’arrivée prochaine d’un petit frère ou d’une petite sœur. Et qui se met à ré-adopter des comportements de tout petit.
L’altruisme :
Bien connu des thérapeutes, cette défense inconsciente nous pousse à nous centrer sur les autres pour éviter d’être trop seuls avec nous-mêmes. Et donc de voir rejaillir des défis que nous souhaitons maintenir bien cachés sous le tapis.
L’humour :
Une des formes les plus matures de défense selon Freud. L’humour permet d’exprimer beaucoup en contournant les limites posées par la censure.
J’imagine que vous voyez combien, à haute dose, ces défenses peuvent nuire à votre pleine conscience, à votre connaissance de vous-mêmes. Et aussi à votre capacité à faire face et à vous mettre en action pour gérer vos difficultés, satisfaire vos besoins et reprendre la télécommande de votre bien-être. Comment les repérer alors que les mécanismes de défense brouillent les messages que nous signalent nos émotions ?
Et si nos émotions nous aidaient à repérer nos mécanismes de défense ?
Les émotions, parlons-en d’ailleurs, car elles sont souvent notre meilleur allié. Je vous en parle dans plusieurs épisodes dont le #140 sur l’intelligence émotionnelle et le #146 sur l’équilibre émotionnel.
Les émotions parasites
De l’extérieur, elles sont souvent perçues comme une exagération. C’est mon cas lorsque je reçois excessivement mal le feedback de mon boss qui me fait un commentaire que le reste de l’équipe juge totalement superficiel. Je me sens atteinte, nulle, incapable, démotivée, ma réaction est excessive.
Il existe aussi des émotions élastiques
Élastiques, parce que, lorsqu’elles se déclenchent, elles font remonter des sentiments, des besoins enfouis. Par exemple, c’est moi qui surréagis à une remarque de ma sœur dans notre dernier diner de famille. Parce que sa phrase a fait remonter tous mes souvenirs des moments ou nos parents nous comparaient à mon désavantage.
Ce qui est intéressant dans ces 2 cas, c’est de se demander quelle histoire nous nous racontons, pourquoi nous réagissons ainsi. Qu’est-ce que ma réaction dit de mes besoins, de mes attentes ? Qu’est-ce que je n’arrive pas à regarder en face ? Ces 2 types d’émotions un peu réactionnelles sont des bons atouts dans votre manche pour repérer quand vos mécanismes de défense se déclenchent. Il est important de les repérer pour déconstruire les schémas et les croyances que nous renforçons inconsciemment dans notre cerveau et qui floutent la réalité.
Le défi de ces stratégies défense est de retrouver une certaine mesure dans leur utilisation. A petite dose, pas de problème, elles sont un bouclier que nous pouvons sortir au besoin et idéalement en conscience – comme pour l’humour par exemple. A trop forte dose, ils deviennent une forteresse imprenable avec des murs si hauts qu’on ne voit plus rien au-delà. La réalité nous échappe et nous restons enfermés.
Apprivoiser ses mécanismes de défense
D’abord, notons que toute réaction peut constituer un mécanisme de défense en soi et mon propos n’est pas de diaboliser nos petites recettes pour rester optimiste. Je souhaite juste vous équiper pour repérer lorsqu’ils prennent trop de place.
Pause, observation, mise en conscience
Faites une pause
D’abord, faites une pause. Ça peut sembler trop simple pour être vrai. Cependant, la première étape consiste à ralentir votre cerveau qui veut toujours vite vite vous envoyer vers votre prochain plaisir ou vous éviter le prochain déplaisir. Nos cerveaux surstimulés ont besoin que nous les mettions en veille – par la méditation par exemple. Je vous recommande notre bulle de bonheur #114 Je m’accorde des moments de médication. Avant tout, ralentissez, créez une bulle.
Observation
Puis, observez. Positionnez-vous comme un tiers qui regarde de l’extérieur vos émotions et vos réactions et observez également celles des autres. Dans une situation négative ou devant une difficulté, vous pourrez réagir très différemment de votre entourage pourtant affecté de la même façon.
C’est intéressant d’utiliser la comparaison pour faire un pas de côté et nous demander si, en effet, notre réaction est appropriée ou si elle ne cache pas quelque chose de plus enfoui.
Observez aussi les comportements ou les attitudes que vous répétez souvent, vos comportements un peu addictifs, vos besoins jamais assouvis. Décortiquez le déclenchement, l’émotion qui a surgi et le comportement que vous avez adopté en réponse.
Est-ce que vous vous sentez bien ? Avez-vous agi en conscience ? Vous sentez-vous coupable ? Ce sont autant de pistes qui peuvent vous permettre d’identifier des comportements réflexes.
Reconnecter avec le réel et sortir des automatismes
Puis, remettez du réel pour prendre conscience de vos distorsions cognitives. Acceptez d’affronter la question : pourquoi est-ce que je réagis ainsi ? Qu’est-ce qui résonne profondément en moi ? Pourquoi ces émotions négatives sont-elles venues ?
Je vous recommande un exercice assez sympa à faire : demandez-vous comment aurait réagi votre meilleure amie ? Ou n’importe qui d’autre pour qui vous avez de l’estime. Et encore une fois comparez. Le fait que sa réaction serait différente de la vôtre n’est ni bien ni mal.
Ce qui est intéressant est de se demander pourquoi vous n’avez pas réagi comme l’aurait fait votre meilleure amie et si vous êtes à l’aise avec votre réaction. Je pense à une amie très chère qui a été quittée par son conjoint. Elle est passée par plusieurs phases du déni « Il va revenir », le refoulement de sa tristesse par la colère et la compensation par un excès d’activités sociales qui l’ont épuisée et lui ont démontré la vacuité du trop-plein. Aujourd’hui, elle revoit précisément ces phases et son refus de regarder sa solitude en face. Une fois qu’elle l’a réalisé, elle a pu explorer ses forces, ses besoins et se mettre en action pour recréer un quotidien seul et qui lui correspond.
Cultiver un équilibre intérieur
Un atout illustré par l’exemple de mon amie et dont je veux vous parler ici : le temps. Intégrer ce qui nous dérange ou nous angoisse profondément prend du temps. Soyez doux et bienveillant avec vous-même. Avec le temps, vous vous comprendrez de mieux en mieux et vous gagnerez en capacité d’acceptation de vous-même et aussi de vos circonstances, des insatisfactions ou difficultés que vous traversez. Je vous invite à écouter notre épisode #65 sur la résilience.
Naturellement, la forteresse de vos défenses va se réduire et s’adoucir car le besoin s’en fera moins sentir. Vous gagnerez en souplesse, vous saurez piocher dans votre boite à outils pour adopter des habitudes qui nous feront du bien, qui apaiseront vos inquiétudes et vous donneront l’élan pour vous mettre en action si c’est votre souhait. La réparation la plus profonde est progressive commence par la connaissance de soi qui est le chemin d’une vie.
Enfin, je pense que je ne le dirai jamais assez, cependant gardez en tête de faire de l’espace pour le positif. Dans le contexte d’un travail de prise de conscience inconfortable, il est encore plus important de célébrer vos victoires, d’identifier vos talents et vos forces (#24). Mais aussi de créer du lien avec les autres (#79) et de nourrir vos sources d’épanouissement personnel.
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Si je résume, les mécanismes de défense psychologique
- Sont des stratégies automatiques que nous mettons en place pour gérer nos frustrations, nos angoisses et nos inconforts profonds.
- À trop forte dose, ils posent un filtre sur la réalité et nous rendent rigides.
- Pour remettre de la mesure, il est important de les regarder en face et de nous demander ce qu’ils révèlent de notre besoin, de nos questionnements profonds et de nos angoisses et souhaits enfouis.
A vous de jouer chers auditeurs, cette semaine la carte de 2 minutes de bonheur vous propose de faire face à vous-mêmes et de noter dans un cahier les émotions qui vous traversent, sans filtre ni culpabilité. Allez vers celles qui vous sont les plus inconfortables et demandez-vous comment vous avez réagi. Peut-être une piste de mécanisme de défense en action ?
La Petite Mousse de 2 minutes de Bonheur
« Ils fonctionnent comme des courtisans qui passeraient leur temps à dire « tout va très bien Sire » à un roi vivant reclus dans son palais alors que, au dehors, la révolution gronde ».